UNES : Quand le féminisme s’élève à Chamonix
Chamonix. Terre d’exploits vertigineux et de défis sportifs. Mais derrière les sommets qui fascinent, une autre ascension s’organise : celle des luttes féministes. L’association UNES, portée par des femmes et des minorités de genre, bouleverse le paysage d’une vallée encore marquée par des normes masculines. Iris, trésorière de l’association, partage son parcours et la manière dont UNES s’inscrit dans un militantisme résolument ancré dans le terrain.
« Le confinement nous a fait prendre conscience »
C’est au sortir du confinement que l’association UNES a germé, portée par un groupe de femmes désireuses de changer les choses : « Après le confinement, on s’est retrouvées entre femmes à Chamonix pour discuter, faire la fête. On s’est rendu compte qu’on avait toutes des histoires liées au sexisme, soit en montagne, soit dans nos vies personnelles. On trouvait ça sympa de parler entre nous, mais on a aussi vu qu’il y avait du travail à faire : il faut manifester, il faut lutter. »
« Le fait de vivre à Chamonix, ça ne nous protège pas du tout d’un monde oppressant envers les femmes et les minorités de genre. »
À Chamonix, paradis des grimpeurs et skieurs, Iris rappelle que l’isolement géographique ne protège pas des réalités du sexisme : « Le fait de vivre à Chamonix, ça ne nous protège pas du tout d’un monde oppressant envers les femmes et les minorités de genre. » C’est ainsi qu’est née l’idée d’un festival féministe inédit dans la vallée. L’ambition était claire dès le départ : créer un espace pour aborder les luttes féministes sous toutes leurs formes.
« On était passionnées dès le début à l’idée de créer un festival féministe à Chamonix, quelque chose qui n’existait pas du tout avant. »
UNES : Trois éditions pour tracer un chemin
Depuis 2021, le Festival UNES est devenu l’événement phare de l’association. Chaque édition explore des thématiques variées et attire un public en quête de discussions et d’expériences. En 2024, la troisième édition s’est déroulée sur plusieurs jours, avec des thèmes aussi divers que le sport, les arts et les enjeux sociétaux : « On aborde un thème par jour, on invite des musiciens, des artistes femmes. On parle de sujets socioculturels, sportifs, pour les femmes mais aussi pour la population en général, autour du féminisme. »
« On a commencé à proposer des cours d’escalade entre femmes, en non-mixité choisie : personnes femmes, non-binaires, trans, etc. On a eu beaucoup de succès. »
Pour Iris, UNES n'est pas là uniquement pour proposer un discours militant : il s’agit d’agir concrètement, y compris sur le terrain des pratiques sportives. Cette année, des cours d’escalade en non-mixité choisie ont été proposés avec succès : « On a commencé à proposer des cours d’escalade entre femmes, en non-mixité choisie : personnes femmes, non-binaires, trans, etc. On a eu beaucoup de succès. Elsa, notre copine monitrice d’escalade, aimerait bien continuer à proposer ces cours dans les salles à Chamonix aussi. »
Non-mixité choisie : débat et empowerment
L’idée de non-mixité choisie suscite des débats, même au sein de l’association : « C’est un sujet qui crée beaucoup de débats, même entre nous. On n’a pas toutes le même rapport au féminisme. » Pour Iris, qui se définit comme une femme queer, ces espaces sont essentiels pour permettre aux minorités de genre de se réapproprier des savoir-faire souvent dévalorisés ou inaccessibles : « Dans nos vies en général, on est soumis à une non-mixité non choisie. En tant que jeune femme, on n’est pas du tout encouragée à bricoler sur une voiture avec son père ou à aller vers les sports à risque. Créer ces espaces, c’est une manière d’apprendre sans pression. »
« L’année dernière, on a fait une conférence sur comment être un bon allié, pour les hommes. C’était vraiment un événement focalisé sur nos amis, pour qu’ils puissent retrouver une place dans le féminisme. »
Pour autant, UNES ne rejette pas la mixité. En 2023, l’association a organisé une conférence destinée aux hommes. « L’année dernière, on a fait une conférence sur comment être un bon allié, pour les hommes. C’était vraiment un événement focalisé sur nos amis, pour qu’ils puissent retrouver une place dans le féminisme. »
« La montagne, un espace à réinvestir »
Pour Iris, la montagne reste un espace à réinvestir pour les femmes et les minorités de genre. L’association UNES organise régulièrement des sorties sportives « On a déjà fait des sorties entre femmes, et on a aussi abordé des sujets pratiques, comme comment réparer des skis. » Au-delà des activités sportives, UNES propose également des ateliers pratiques et des conférences gratuites. L’objectif est de rendre ces espaces accessibles à toutes et tous, tout en élargissant la portée du féminisme dans des milieux parfois conservateurs.
Projets 2025 et au-delà
L’édition 2025 du festival, prévue du 8 au 13 avril, s’annonce encore plus ambitieuse : « On va parler de politique, de sport, et montrer des films sur des personnes queer dans les sports outdoor. Tout le monde est bienvenu. On veut avancer ensemble. »
En parallèle, UNES étend son action au-delà de Chamonix. En décembre, l’association participera à un événement à Paris : « On va faire un événement au DOC, qui est un lieu militant pour les artistes. On y parlera de montagne, avec des expositions et des débats. »
Une ascension collective
À Chamonix, UNES incarne un féminisme ancré dans le quotidien et l’engagement. Iris, comptable de métier, jongle avec son travail à temps plein et son rôle de trésorière : « On est toutes bénévoles dans notre association. Ça demande beaucoup de travail, mais c’est une vraie passion. »
L’association prouve qu’il est possible de faire bouger les lignes, même dans un milieu perçu comme conservateur. « On essaie de ramener plus d’inclusivité dans notre vallée de Chamonix, et en montagne en général. » UNES, à travers son festival et ses projets, cherche à redessiner les sentiers pour que chacune et chacun y trouve sa place.