Est-ce que la taille compte vraiment ? (pour l'escalade)
L'escalade est un sport où la technique, la force et la stratégie jouent des rôles cruciaux. Cependant, la question de l'impact de la taille sur les performances des grimpeurs revient souvent sur le devant de la scène. L'événement de qualification olympique (OQS) à Shanghai a récemment ravivé ce débat, avec des résultats pour la finale masculine de bloc qui semblaient indiquer que les grimpeurs plus grands étaient favorisés. Du moins c'est l'avis de certains.
Kim Brough, qui prend régulièrement la parole sur Instagram sur des sujets liés à l'inclusion dans l'escalade et le biais des genres dans les cotations, a relancé récemment le sujet avec un post où il montre la corrélation directe entre les résultats de la finale de bloc des OQS de Shanghai et la taille des grimpeurs : « Parfois, j'entends des gens affirmer que la taille n'a pas d'importance en escalade. 'Il n'y a pas de grimpeurs grands, juste de bons grimpeurs.' Bien que la taille ne soit pas tout, l'événement de qualification olympique à Shanghai est un exemple clair des avantages de la taille. ».
La communauté anglophone a réagi vivement à ce post. Certains ont souligné que la disposition des prises semblait effectivement favoriser les grimpeurs plus grands, tandis que d'autres ont rappelé que d'autres facteurs, comme la force, le poids et la technique, jouent également des rôles cruciaux. Ils sont également nombreux à souligner, et à raison, la complexité de rendre les compétitions totalement équitables en termes de taille.
Nous avons donc décidé d'examiner en détail les résultats de cet événement, sur les finales de bloc et de difficulté, les performances des participant(e)s et l'influence potentielle de la taille sur les résultats.
Performance des grimpeuses et grimpeurs aux OQS de Shanghai
C'est un fait, les résultats de l'épreuve de bloc montrent effectivement une prédominance de grimpeurs plus grands dans le top du classement :
Adam Ondra : 1,86 m
Paul Jenft : 1,86 m
Hamish McArthur : 1,81 m
Lee Do Hyun : 1,66 m
Hannes Van Duysen : 1,75 m
Alberto Ginés López : 1,69 m
Sascha Lehmann : 1,64 m
Sam Avezou : 1,70 m
Dans l'épreuve de difficulté, en revanche, les résultats varient davantage. On retrouve des grimpeurs de moins grande taille comme Lee Do Hyun (1,66 m) et Alberto Ginés López (1,69 m) qui se classent parmi les meilleurs.
Lee Do Hyun : 1.66 m
Alberto Ginés López : 1,69 m
Adam ONDRA : 1,86 m
Paul Jenft : 1,86 m
Sascha Lehmann : 1,64 m
Hannes Van Duysen : 1,75 m
Hamish McArthur : 1,81 m
Sam Avezou : 1.70 m
Est-ce à dire que c'est avantage d'être grand pour la pratique du bloc et petit pour la difficulté ? Ça serait aller un peu trop vite dans le raisonnement puisque l'on retrouve Adam Ondra et Paul Jenft en 3ème et 4ème position de ce classement.
Pour les femmes, les résultats montrent une plus grande diversité de tailles parmi les meilleures sur les deux épreuves.
Épreuve de bloc :
Brooke Raboutou : 1,58 m
Zhilu Luo : ?
Erin McNeice : 1,60 m
Miho Nonaka : 1,63 m
Futaba Ito : 1,62 m
Ievgeniia Kazbekova : 1,64 m
Seo Chae-hyun : 1,63 m
Zélia Avezou : 1,68 m
Épreuve de difficulté :
Brooke Raboutou : 1,58 m
Seo Chae-hyun : 1,63 m
Erin McNeice : 1,60 m
Miho Nonaka : 1,63 m
Futaba Ito : 1,62 m
Ievgeniia Kazbekova : 1,64 m
Zhilu Luo : ?
Zélia Avezou : 1,68 m
L'épreuve de qualification olympique à Shanghai, ainsi que la discussion lancée par Kimbrough Moore, a le mérite de mettre en lumière les défis auxquels les ouvreurs sont confrontés pour créer des voies neutres en termes de taille. Si c'est effectivement l'une de leurs missions, comme on peut l'imaginer, c'est souvent plus facile à dire qu'à faire et nécessite une expertise et des ressources adéquates.
Lorsque l'on examine les résultats des finales de bloc féminines ou des épreuves de difficulté pour les deux genres, la taille ne semble finalement pas avoir d'influence si significative que ça. Mais il reste difficile de tirer des conclusions définitives à partir d'une seule compétition, et il serait pertinent de réaliser des statistiques à partir de données récoltées lors de nombreuses autres pour avoir un analyse réellement pertinente.
Performance des grimpeuses et grimpeurs à partir des classements de l'IFSC
Regardons ce que cela donne sur le classement mondial des grimpeuses et grimpeurs disponible sur le site de l'IFSC, en se basant sur le top 10.
Épreuves de bloc (hommes) :
Sorato Anraku : 1,68 m
Lee Do Hyun : 1,66 m
Meichi Narasaki : 1,88 m
Tomoa Narasaki : 1,70 m
Toby Roberts : 1,77 m
Yoshiyuki Ogata : 1,71 m
Mickael Mawem : 1,79 m
Mejdi Schalck : 1,72 m
Yannick Flohé : ?
Sam Avezou : 1,70 m
Épreuves de difficulté (hommes) :
Sorato Anraku : 1,68 m
Toby Roberts : 1,77 m
Alexander Megos : 1,70 m
Jakob Schubert : 1,76 m
Taisei Homma : ?
Sascha Lehmann : 1,64 m
Shion Omata : ?
Ao Yurikusa : ?
Lee Do Hyun : 1,66 m
Satone Yoshida : ?
Épreuves de Bloc (femmes) :
Janja Garnbret : 1,64 m
Natalia Grossman : 1,62 m
Oriane Bertone : 1,64 m
Oceania Mackenzie : 1,73 m
Brooke Raboutou : 1,58 m
Zélia Avezou : 1,68 m
Miho Nonaka : 1,63 m
Chaehyun Seo : 1,63 m
Stasa Gejo : 1,75 m
Jessica Pilz : 1,65 m
Épreuves de difficulté (femmes) :
Janja Garnbret : 1,64 m
Ai Mori : 1,54 m
Chaehyun Seo : 1,63 m
Jessica Pilz : 1,65 m
Mia Krampl : 1,62 m
Vita Lukan : 1,64 m
Natsuki Tanii : 1,52 m
Jain Kim : 1,53 m
Brooke Raboutou : 1,58 m
Manon Hily : 1,54 m
En croisant les données des grimpeuses et grimpeurs que ce soit en bloc ou en difficulté, on observe une variété de tailles parmi les meilleur(e)s. Il n'y a donc à nouveau pas de corrélation évidente indiquant que les grimpeuses ou les grimpeurs plus grands ou plus petits dominent systématiquement dans l'une ou l'autre discipline. La présence de grimpeuses et grimpeurs de tailles variées parmi les meilleurs confirme à nouveau que d'autres facteurs sont très probablement plus déterminants pour la performance en escalade que la seule taille.
En conclusion, même si l'analyse pourrait être approfondie, on peut affirmer que sur cette base d'analyse la taille n'a pas un rôle clé dans les performances en escalade. Concernant l'épreuve de bloc des OQS à Shanghai, il est possible que les résultats soient dus au hasard ou que les voies aient favorisé les grimpeurs plus grands. Mais pour le savoir il faudrait mesurer les espacements entre les prises et évaluer l'ensemble du répertoire gestuel qu'il aurait été possible de déployer sur les voies proposées.