Symon Welfringer : L’alpinisme comme un retour aux sources de l’aventure
Dans l’effervescence du Festival International du Film et du Livre d’Aventure de La Rochelle (FIFAV), Symon Welfringer s’impose comme l’une des voix les plus captivantes de l’alpinisme contemporain. Non pas par l’éclat d’un ego surdimensionné, mais par la simplicité désarmante avec laquelle il raconte ce qu’il fait de plus noble : grimper. À travers son histoire, ses inspirations et sa vision de l’alpinisme, il nous invite à repenser ce qu’est véritablement l’exploration en montagne.
Des figures historiques comme boussole
Symon n’a pas construit son alpinisme en vase clos. Ses inspirations plongent leurs racines dans les exploits de figures emblématiques. Parmi elles, Jean-Christophe Lafaille, dont les voies ouvertes à Céüse illustrent ce délicat équilibre entre grimpe et alpinisme. Ou encore Pierre Béghin, chercheur en physique nucléaire à Saint-Martin-d’Hères, qui incarnait pour Symon cette idée d’un alpiniste complet, partagé entre passion et carrière. Leur héritage dépasse très largement la simple notion de performance : « Ce sont des gars qui avaient une vie à côté, et je trouve ça super intéressant. »
« Pour eux, arriver au Népal ou au Pakistan, c’était déjà les vacances. »
Il élargit ensuite son panthéon à l’international avec Wojciech Kurtyka, maître du style alpin et pionnier des ascensions techniques sur les géants himalayens. Pour Kurtyka et les alpinistes polonais de son époque, chaque expédition était une échappatoire à un quotidien marqué par les tensions politiques de l’Europe de l’Est. Symon évoque avec respect leur approche minimaliste : « Pour eux, arriver au Népal ou au Pakistan, c’était déjà les vacances. »
Ces références ne se limitent pas à des noms. Elles sont une source constante de réflexion et d’inspiration. Parmi les lectures qui l’ont marqué, il cite le livre de Bernadette McDonald sur l’histoire de l’alpinisme polonais, une fresque qui éclaire le courage et la résilience de ces grimpeurs hors normes.
Le style alpin, une évidence et un idéal
Si le style alpin est central dans les conversations autour de son film "Le Cavalier sans tête" - qui vient d'ailleurs de remporter la prix spécial montagne au FIFAV - Symon, lui, préfèrerait ne pas avoir à l’évoquer. « Mon idéal serait que l’alpinisme ne soit que style alpin, qu’on n’ait même pas besoin de le préciser », lâche-t-il. Mais la réalité impose des distinctions. À l’opposé du tourisme d’altitude ou des expéditions en style himalayen, où les cordes fixes et l’oxygène deviennent des artefacts incontournables, le style alpin revendique une pureté : gravir une montagne d’une seule traite, sans aides extérieures et sans retour en arrière.
« Sur quinze expéditions, j’ai peut-être suivi mon plan A une seule fois. L’adaptation, c’est la base du haut niveau. »
Pour Symon, cette approche transcende les techniques : c’est une philosophie. Le style alpin suppose une improvisation constante face à l’inconnu. Une descente prévue devient impraticable ? On bascule sur une autre face. Le sommet initial est inaccessible ? On redéfinit l’objectif. « Sur quinze expéditions, j’ai peut-être suivi mon plan A une seule fois. L’adaptation, c’est la base du haut niveau. »
L’engagement, une recherche d’exploration pure
Symon ne cache pas son goût pour l’exploration brute, celle où l’incertitude et l’engagement total redéfinissent l’expérience. Cette quête l’a mené au Népal, où, face à des imprévus, il a dû gravir une montagne inconnue, sans données précises ni informations préalables. « On a gravi une face dont on ne savait rien, et la première chose qu’on a vérifiée après, c’est si elle avait déjà été faite. »
L’été dernier, c’est au Groenland qu’il a poussé cette logique plus loin. Pendant quarante jours, il a parcouru les fjords en kayak, atteignant des sommets vierges à l’écart de toute civilisation. « Là-bas, pendant quarante jours, on n’a croisé aucun humain. Juste nous et le paysage. » Loin des 8000 himalayens et des foules qu’ils attirent, cette aventure mêlait engagement physique, créativité et immersion totale dans une nature sauvage.
« Chaque expédition, c’est un défi à plusieurs dimensions : trouver sa ligne, s’adapter, se réinventer. »
Pour Symon, l’isolement n’est pas une contrainte, mais une opportunité d’aller plus loin dans l’exploration personnelle. « Chaque expédition, c’est un défi à plusieurs dimensions : trouver sa ligne, s’adapter, se réinventer. »
L’avenir de l’alpinisme : réinvention et exploration
Alors que certains prédisent la fin des grandes premières, Symon réfute cette idée avec ferveur. Il est convaincu que l’avenir de l’alpinisme réside dans la réinvention des pratiques et la combinaison des disciplines. « Il reste encore tellement de lignes à explorer, sur des montagnes moins hautes mais tout aussi engageantes. »
Ce futur passe aussi par une démarche éthique. Symon insiste sur l’importance de faire fonctionner l’économie locale lors des expéditions : engager des porteurs, collaborer avec les habitants. Ce choix, au-delà du confort qu’il apporte, enrichit l’expérience humaine et donne un sens plus profond à ces aventures.
À travers son approche, Symon prône une alpinisme où l’exploit ne se mesure pas uniquement en altitude ou en difficulté technique, mais dans la manière d’appréhender la montagne et ses défis. C’est un retour à l’essence même de cette pratique : l’aventure, la découverte et l’adaptation.
Un message d’espoir pour conclure
Pour Symon Welfringer, l’alpinisme de demain s’annonce riche de possibilités. Il ne s’agit plus de cocher des sommets ou d’atteindre des altitudes records, mais de redécouvrir un terrain de jeu aux mille facettes. « Ce qu’on cherche, c’est l’aventure, pas le chiffre ou la gloire. »
Avec des expéditions mêlant kayak, ski ou escalade, il imagine un avenir où les frontières entre les disciplines s’effacent pour donner naissance à de nouvelles formes d’exploration. Et dans un monde où tout semble déjà documenté, Symon nous rappelle que l’aventure n’a pas disparu. Elle attend juste ceux qui osent s’aventurer hors des sentiers battus.
Pour prolonger la réflexion sur l’alpinisme moderne, ne manquez pas notre interview de François Carrel réalisée au FIFAV : Himalaya à vendre : l’alpinisme à l’ère du selfie. Découvrez les enjeux d’un monde où les sommets se marchandent autant que les exploits : lire l’article ici.
Interview réalisée par Guillaume Guémas et article rédigé par Pierre-Gaël Pasquiou. Pour retrouver l'intégralité de l'échange :