Sur la voie des premiers Paralympiens de l’escalade
Sur la chaîne d’Hannah Morris, "The Road To Becoming Climbing’s First Paralympian" ouvre une brèche dans l’histoire : celle de la para-escalade qui s’accroche enfin aux anneaux olympiques. Longtemps reléguée à l’ombre des podiums, cette discipline grimpe vers les sommets avec Los Angeles 2028 en ligne de mire. Mais ici, pas de storytelling édulcoré ou de violons à la corde usée. Juste Lucia Capovilla et Amruta Wyssmann, deux grimpeuses qui transforment leurs failles en force et leurs limites en levier. Parce que dans leur monde, chaque mouvement est un acte de résistance, et chaque chute, un prétexte pour se relever encore plus haut.
La para-escalade : réinventer les règles
Ce n’est pas une question de difficulté, mais de perspective. La para-escalade n’est pas une version édulcorée de l’escalade : c’est une discipline à part entière, avec ses codes, ses défis, et ses héros. Et dans cette discipline encore méconnue, Lucia et Amruta tracent des lignes ambitieuses.
Lucia, Italienne de 27 ans, ne fait pas les choses à moitié. Depuis 2015, elle transforme chaque compétition en une nouvelle étape de son ascension.
« Depuis que j’ai commencé, je suis toujours montée sur le podium »
Explique-t-elle presque en passant, comme si l'exploit coulait de source. En réalité, derrière cette constance se cache un mantra : maîtriser la technique avant tout.
« Si tu ne comprends pas comment bouger, la force brute ne sert à rien. La technique, c’est ton énergie. »
Son approche est indissociable de sa singularité physique : Lucia a appris à composer avec une asymétrie qui l’oblige à chercher l’équilibre autrement. « Ma différence m’a appris à simplifier les mouvements, à les rendre plus économes. Ce que je ne peux pas faire par force, je le fais par précision. » Et ce qui pourrait être vu comme une limite devient un outil, une stratégie presque artistique.
Amruta : des débuts tardifs, une progression fulgurante
Amruta, de son côté, arrive à la grimpe par un heureux hasard. « J’avais des amis qui grimpaient. Ils m’ont dit d’essayer. Je pensais que ce n’était pas pour moi, mais dès la première prise, j’ai su que j’adorais ça. » On est en 2018. En trois ans, elle passe du hobby au haut niveau, un passage accéléré par un message reçu sur Instagram.
« Quelqu’un de la fédération suisse m’a contactée pour monter une équipe de para-escalade. J’ai accepté sans trop réfléchir. »
Mais ce qui pourrait ressembler à un coup de chance demande en réalité une discipline de fer. Amruta jongle entre un travail à temps partiel, des entraînements intensifs, et des compétitions internationales.
« Je travaille 80 %, ce qui me laisse deux après-midis pour m’entraîner. Les autres jours, je cours le matin ou je grimpe entre midi et deux. »
Sa routine frôle l’impossible, mais elle garde un équilibre fragile entre sa passion et sa réalité.
Grimper, une forme de méditation
Au-delà des podiums, ce qui lie Lucia et Amruta, c’est une vision presque spirituelle de la grimpe. « Pour moi, l’escalade, c’est une méditation », confie Amruta. « Chaque mouvement demande d’écouter ton corps, de respecter ses limites tout en les repoussant. »
Lucia partage cette approche. « La grimpe m’a appris à aimer mon corps, à le comprendre. Ce n’est pas qu’une question de performance. Il s’agit de trouver l’équilibre, de bouger avec le moins d’impact possible. » Cette recherche constante d’harmonie donne à leur escalade une dimension presque chorégraphique.
Mais la route n’est pas sans obstacles. Amruta avoue avoir encore peur de tomber. « Je me force à sortir de ma zone de confort, mais c’est un combat permanent. » Et cette peur, bien loin d’être une faiblesse, devient une alliée, un rappel constant que l’échec fait partie intégrante du processus.
L.A. 2028 : une lueur d’espoir
Les Jeux paralympiques de Los Angeles marqueront les débuts de la para-escalade sur la scène mondiale. Un moment historique, mais aussi une opportunité d’accélérer la reconnaissance de la discipline. « On espère que cela nous permettra de devenir des athlètes professionnelles », explique Amruta.
Aujourd’hui, la réalité est tout autre. Lucia a troqué un appartement contre un van pour s’entraîner à Arco, tandis qu’Amruta optimise chaque seconde de son emploi du temps.
« Ce n’est pas facile, mais on grimpe parce qu’on aime ça, pas pour les médailles. »
Pourtant, derrière leur passion, le manque de moyens reste un frein majeur. La para-escalade, bien qu’inspirante, reste marginale dans un sport lui-même encore de niche.
« C’est dur, mais les choses changent. Les Jeux paralympiques pourraient tout bouleverser. »
Grimper ensemble, tomber mieux
Ce qui frappe dans le duo formé par Lucia et Amruta, c’est leur capacité à se soutenir. « On partage nos solutions, nos astuces. Parfois, mes amis viennent me demander comment résoudre un mouvement. Ça me fait sourire parce que je pense que je vois les voies différemment. »
Pour elles, l’escalade va bien au-delà du mur. « Peu importe à quoi tu ressembles, ta taille ou ton poids, l’escalade est pour tout le monde », affirme Amruta. Cette philosophie se reflète dans leur pratique, où chaque prise est une opportunité de montrer que les différences sont des forces.
Merci, Hannah
Avec cette vidéo, Hannah Morris capture l’essence même de l’escalade. Plus qu’un sport, c’est une école d’adaptation, une source infinie de résilience. Lucia et Amruta sont des exemples, des symboles de ce que la grimpe peut offrir à ceux qui osent s’y confronter.
Alors, que vous soyez grimpeur chevronné ou novice, attachez vos chaussons. Parce que, comme le prouvent Amruta et Lucia, il y a toujours une prise à atteindre, un sommet à gravir… et une leçon à tirer en chemin.