Pourquoi la sécurité en escalade est un acte social
- Matthieu Amaré
- 11 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 mars
Dans un sport où la gravité n'est pas vraiment qu’une métaphore, comment rester souple sur la sécurité ? Réponse : en la considérant comme un acte social. Accrochez-vous, on vous explique.

Dans une salle comme en falaises, les fondements de la confiance se construisent sur un subtil équilibre entre gestes millimétrés et intelligence situationnelle. Dans une situation où on vous demande de faire un nœud de chaise et basta : c’est un geste mais il n’est doté d’aucune intelligence. La plupart des grimpeurs expérimentés vous le diront : les nœuds et les consignes de sécurité s'apprennent d’abord dans un contexte et portent en elles, comme pas mal de choses dans la vie, un certain sens. Ce sens va vous donner la bonne direction pour nouer deux brins comme il vous expliquera la raison pour laquelle on a choisi le nœud de huit pour vous envoyer en l’air. Nous avons une conviction forte : ce sont ces mises en perspective qui construisent l’intelligence situationnelle. La preuve par trois conseils hyper smart.
Relire Jean-Jacques Rousseau
Si quelqu’un vous demande de faire un nœud de chaise - « vas-y pour voir » - à l’entrée d’une salle d’escalade sans vous expliquer pourquoi, il vous met au défi. C’est le meilleur moment pour tourner les talons et changer d’enseigne. Vous l’aurez compris, la pédagogie est la première condition de l’apprentissage de la sécurité. Si celui ou celle qui vous la prodigue n’a pas d’intelligence situationnelle, l’acte social perd tout son sens et vous aurez vite fait de faire vos gestes de sécurité dans l’inconfort. Et donc, de vous mettre en danger.
Nous avons vite fait de considérer que la confiance doit s’obtenir de celui ou celle qui possède l’expérience. C’est un biais cognitif. La confiance se gagne aussi par celle que votre expert·e, quel·le qu’il/elle soit, doit dégager. On est pas si loin du contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau, les amis. Même débutant, vous êtes en droit de réclamer un minimum de cadre pour ne pas assurer votre partenaire en faisant de l'eczéma.
Réapprendre à s’aimer (pour la vie)
En escalade, la sécurité s'articule autour de points clés qui, mis bout à bout, forment une chaîne aussi solide que le mental d’Alex Honnold. Du nœud à la position de l'assureur, chaque élément fait l'objet d'une vérification systématique. Et dites-vous que ça, c’est pour la vie. Quand on parle de contrôle, la grimpe a ceci de merveilleux que rien ne devient inconscient. Avec l’expérience, beaucoup de sportifs intègrent de manière instinctive leurs propriétés préventives. En escalade, c’est impossible.
Nous avons vite fait de considérer que la confiance doit s’obtenir de celui ou celle qui possède l’expérience. C’est un biais cognitif
C’est la raison pour laquelle vous verrez des cordées de 20 ans d’expérience contrôler le nœud de huit ou le mousqueton de leur partenaire à chaque ascension. Comme vous avez la vie de votre pote entre les mains, la grimpe vous force à déclarer systématiquement l’acte social que vous avez parachevé à vos débuts. Et si on trempait notre plume dans la rose, on dirait même que c’est un des rares sports qui permet de se jurer fidélité jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Protéger l’épanouissement
Par définition, un acte est ce que vous en faite. S’il est « la manifestation concrète de l'activité volontaire de quelqu'un » - merci le Larousse - alors soyez volontaire et régalez-vous. Les consignes et les protocoles pullulent sur les lieux de grimpe, inutile de vous resservir une checklist tiédasse de contraintes. Si l’on considère la sécurité en escalade comme un acte social, c’est aussi parce que nous sommes persuadés qu’il faut développer une culture de la prévention positive. Souvenez-vous la tête de noeud qui vous intimide avec sa corde, et bien nous sommes convaincus qu’il fait autant de mal à la poursuite de votre pratique qu’un règlement intérieur.
On souffre tellement d’appropriation individualiste de compétence que, par pitié, si vous savez quelque chose : partagez-le
Une fois que vous aurez bien intégré les basiques de l’assurage, n’hésitez pas à remettre votre savoir dans les mains de la cordée d'à-côté, tout comme à vous inspirer de celle peut-être plus expérimentée du couloir d’en face. C’est aussi, l’intelligence situationnelle : il suffit de tourner la tête. On souffre tellement d’appropriation individualiste de compétence que, par pitié, si vous savez quelque chose : partagez-le. On n'a jamais entendu quelqu’un se plaindre d’avoir aider les autres. Surtout quand il s’agit de sauver des vies.