Des reliques dangereuses : le Mercantour, un terrain miné pour les grimpeurs
Le Mercantour. Un nom qui fait vibrer les amateurs de grimpe. Mais aujourd’hui, derrière la beauté brute des falaises, la réalité frappe fort : ces parois, autrefois conquises par des pionniers de l’escalade, sont désormais truffées de pièges. Nice Matin le soulignait dans un article publié récemment : des équipements datant de l’après-guerre, laissés à l’abandon, rouillent et se désagrègent en silence. Pour les grimpeurs, le message est clair : confier sa vie à ces reliques, c’est prendre le risque de redescendre de manière définitive.
L’héritage d’un passé lointain : des falaises laissées à l’abandon
Les voies du Mercantour sont un témoignage de l’histoire, d’une époque où l’escalade se pratiquait sans les normes de sécurité d’aujourd’hui. Des équipements vieux de 60 ou 70 ans jalonnent encore ces parois, rouillés et rongés par le temps. Pourtant, ce ne sont pas des reliques de musée – ce sont des voies sur lesquelles certains se risquent encore. Et à chaque sortie, c’est le même constat : ces équipements ne tiendront pas éternellement. Mais ici, les grimpeurs ne peuvent rien faire. Parce que dans un parc naturel, réhabiliter des voies, ça ne dépend pas que de l’envie et de la bonne volonté.
Le Parc national du Mercantour impose des règles strictes de préservation. En clair, chaque intervention sur une voie doit passer par des autorisations. Et ces autorisations, elles arrivent au compte-gouttes. Résultat : 500 voies, pour la plupart usées jusqu’à l’os, sont devenues presque impraticables.
La bataille pour préserver – et sécuriser
Pour ceux qui veulent sauver ces voies, chaque étape est une épreuve. Dans le Mercantour, il ne suffit pas d’arriver avec son kit d’équipement et de planter un spit neuf dans la roche. La falaise, ici, est aussi le territoire de la Niverolle alpine, un oiseau protégé qui vient nicher chaque année. Et pour le Parc, il est hors de question de perturber sa tranquillité. Le comité scientifique veille et impose des restrictions de temps et de lieu. Résultat : pour rénover une voie, c’est la croix et la bannière. Les bénévoles de la FFME et du Club Alpin Français le savent mieux que quiconque. Quand ils peuvent intervenir, ils le font à pas feutrés, et souvent, ce n’est qu’une infime partie des voies qui peut être rééquipée.
Le parc autorise tout juste quelques rénovations chaque année. Une goutte d’eau dans un océan de dégradations. On parle de 500 voies, et chaque rééquipement est une lutte. Pour les bénévoles, c’est presque décourageant. Eux qui investissent leur temps, leur matériel et prennent des risques personnels pour essayer de sécuriser les falaises, ils se retrouvent souvent face à des murs bureaucratiques.
Engagés mais limités : les bénévoles à bout de bras
Les bénévoles de la FFME et du CAF, ils ne lâchent pas. Pour eux, chaque spit qu’ils remplacent, chaque voie qu’ils sécurisent, c’est un petit morceau d’escalade qui reste en vie. Mais ils ne peuvent pas tout faire. Le matériel coûte cher, et les fonds manquent cruellement. Leur engagement, aussi précieux soit-il, ne suffit pas à compenser l’immensité du problème. Les grimpeurs qui s’aventurent encore sur ces voies jouent gros. Mais entre la passion et le bon sens, la frontière est parfois floue.
Pour beaucoup, l’abandon de ces voies serait une défaite. Car ces falaises, elles sont bien plus que des morceaux de roches : elles sont un patrimoine vivant, un terrain de jeu pour les audacieux. Et laisser tout ça à la rouille ? Difficile à accepter. Mais sans soutien, sans moyens, c’est peut-être l’issue inévitable.
Un modèle à réinventer
Alors, que faire ? Pour les grimpeurs, la solution ne peut pas se limiter à laisser le Mercantour s’effriter en silence. Partout en France, les sites de grimpe font face aux mêmes problèmes. La réglementation, la protection de l’environnement, et au milieu, les grimpeurs, coincés entre leur passion et la sécurité. La montagne est un espace de liberté, mais elle demande aussi du respect et des moyens pour en prendre soin. Tant que les financements resteront au point mort, il sera difficile de protéger et de rendre accessibles ces trésors de roche.
Alors, pour l’instant, la falaise reste là, fidèle et brutale. Chaque voie non rééquipée devient un peu plus un souvenir, un témoin silencieux d’une autre époque. Pour les générations futures, il est peut-être temps de repenser ce modèle, avant que les dernières prises ne lâchent sous le poids de l’oubli.