Oriane Bertone : Gagner, et après ?
- Pierre-Gaël Pasquiou
- 10 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 févr.
Championne de France de bloc. Encore. Mais cette fois, la médaille a un poids différent. Ce n’est pas juste un énième trophée à aligner sur l’étagère de sa chambre. C’est le signe qu’après une saison passée à tanguer, elle tient toujours la barre.

Deux mois sans toucher une prise après Paris 2024. Un burn-out, un besoin urgent de décrocher – au propre comme au figuré. Une 8ᵉ place olympique vécue comme un crash, alors qu’elle visait l’orbite. Un retour en compétition sans certitude, juste l’envie de voir si la flamme brûlait encore. Et visiblement, oui.
Ce week-end, à Anse, elle a fait ce qu’elle sait faire de mieux : grimper. Et gagner.
Un retour qui impose le respect (et une question : pourquoi ?)
Avant Anse, on pouvait légitimement se demander où elle en était. La réponse est tombée dès les qualifications : cinq blocs, cinq tops, six essais.
Mais la finale, elle, a refusé d’être expédiée. Premier bloc, Oriane Bertone, Selma Elhadj Mimoune et Agathe Calliet prennent l’ascendant. Deuxième bloc, une dalle tordue qui fait chuter tout le monde, même Oriane Bertone, malgré un dernier essai qui frôle la solution. Troisième, plus explosif, mais toujours aucune mainmise définitive.
Tout s’est joué sur le dernier mouvement du dernier bloc. Un moment où on reconnaît les patronnes : Oriane Bertone enchaîne, les autres butent. L’écart entre elle et la concurrence tient parfois à un rien, parfois à un instinct.
Classement final :
Oriane Bertone
Selma Elhadj Mimoune
Agathe Calliet
Un titre, donc. Mais un titre qui soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
Un podium, mais pas une délivrance
Ce qui frappe avec Oriane Bertone, ce n’est pas son talent – ça, on savait déjà. C’est le chemin qu’elle doit faire pour le digérer.
Après Paris, elle a décroché. L’escalade n’était plus une passion, juste une obligation. Son podium ce week-end montre qu’elle peut toujours grimper au sommet, mais ça ne dit rien sur l’envie. Comment continuer sans se consumer ?
Le sport de haut niveau, on en parle comme d’une quête héroïque. C’est souvent plus proche d’une lessiveuse. À force de faire de l’or olympique une religion, on sacrifie parfois ceux qui tentent d’y accéder. Oriane Bertone a mis deux mois à retrouver une relation apaisée avec la grimpe. Est-ce que ce titre prouve qu’elle y est arrivée ? Ou est-ce juste une parenthèse ?
Soldate Bertone : Grimper en ordre serré ?
Si elle se pose la question de son avenir sportif, il y a une chose qui, elle, est actée : depuis septembre 2024, Oriane Bertone est devenue soldat.
Elle a intégré l’Armée des champions, un programme où 148 athlètes de haut niveau, sous statut militaire, reçoivent une solde en échange d’un engagement minimum de cinq ans. 1 200 euros par mois, une stabilité financière et un cadre structuré. En contrepartie ? Un rattachement au bataillon de Joinville, des obligations militaires et des participations à des événements comme les Championnats du monde militaires en mars 2025.
Un filet de sécurité pour une grimpeuse qui pourrait ne plus avoir envie de s’accrocher aux circuits classiques. Mais aussi un dilemme : quand on pratique un sport aussi individuel que l’escalade, comment se fondre dans une institution qui prône avant tout l’esprit de corps ?
« La victoire pour soi-même, c’est bien, mais gagner pour une équipe, c’est encore mieux. »
Une phrase qui résonne différemment selon les disciplines. Dans un sport comme l'escalade, on grimpe seul, face au mur, sans coéquipier pour faire la passe décisive. Mais l’esprit d’équipe existe malgré tout : dans l’entraînement, dans le soutien mutuel, dans ces moments où les athlètes se motivent les uns les autres au bord du tapis.

Reste une question plus large : en France, le sport de haut niveau peut-il réellement exister sans le soutien des institutions publiques comme l’Armée ? Quand une grimpeuse du calibre d’Oriane Bertone choisit cette voie, est-ce un simple choix stratégique, de conviction, ou le signe d’une nécessité pour les athlètes de disciplines peu médiatisées ?
Et maintenant ?
Sur le papier, Oriane Bertone est pré-sélectionnée pour la Coupe du monde 2025 grâce à ses podiums passés. Son appartenance au Groupe 1 de la FFME lui garantit une place en équipe de France sans passer par les sélectifs nationaux de février-mars. Mais rien ne dit qu’elle utilisera cette place.
Elle a le choix. Revenir à plein régime sur le circuit ? Espacer les compétitions ? Poursuivre une carrière hybride entre le circuit international et des projets plus personnels ?
À Anse, elle a montré qu’elle pouvait encore dominer en France. Mais la vraie question n’est pas là. La vraie question, c’est si elle en a encore envie.
À noter : Chez les hommes, Adrien Lemaire a décroché son premier titre national, devançant Paul Jenft et Max Bertone, qui complètent le podium. Pour voir le replay cliquez ici.