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Mont Kailash : la montagne que personne ne gravira jamais

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Il y a des sommets que l’on rêve de conquérir, et d’autres que l’on contemple, intacts, inaccessibles. Le mont Kailash, au Tibet, appartient à cette seconde catégorie. 6 638 mètres d’une perfection pyramidale, posés là comme un défi silencieux. Mais pas question d’y planter un drapeau ou d’y laisser la trace d’un piolet. Ici, l’homme s’arrête au pied de la montagne.


Mont Kailash
© Ondřej Žváček

Pourquoi ? Parce que Kailash n’est pas une montagne comme les autres. Parce que ce sommet est plus qu’une ligne de crête dans le ciel : c’est un mythe, un sanctuaire, un pacte tacite entre le sacré et l’humain.


Le centre du monde


Tous les chemins ne mènent pas à Rome. Certains tournent autour d’une montagne. Depuis des millénaires, hindous, bouddhistes, jaïns et adeptes du Bön considèrent Kailash comme l’axe de l’univers. Son rôle cosmique varie selon les croyances, mais toutes s’accordent sur un point : il est intouchable.


  • Pour les hindous, c’est le trône de Shiva, le dieu ascète. Il y médite, impassible, pendant que le monde bruisse à ses pieds.

  • Pour les bouddhistes, c’est le Mont Meru, le pilier autour duquel tournent les étoiles et le destin des hommes.

  • Pour les jaïns, c’est le lieu où leur premier Tirthankara a atteint l’illumination.

  • Pour les adeptes du Bön, il est le centre énergétique du monde, le point d’équilibre entre les forces de l’univers.


Dans les croyances tibétaines, Kailash est le pivot autour duquel tourne l’existence. Et c’est exactement ce que les pèlerins viennent faire : tourner autour.


La Kora : une ascension inversée


Ici, on ne grimpe pas. On marche, on tourne, on s’efface. Le véritable exploit n’est pas de toucher le sommet, mais de faire le tour de la montagne, un périple de 52 kilomètres à plus de 5 000 mètres d’altitude. Une boucle qui prend plusieurs jours, éprouve les corps et bouleverse les âmes.


Les croyances divergent sur les bienfaits de ce pèlerinage :


  • Une Kora nettoie une vie entière de péchés.

  • Dix-huit Kora effacent le karma de toutes les réincarnations.

  • Cent huit Kora mènent à l’illumination.


Certains pèlerins pratiquent la prostration complète. Ils avancent en s’étalant de tout leur long sur le sol, paumes ouvertes vers le ciel, avant de se relever et de recommencer. Pendant des jours. Certains mettent des mois à boucler la Kora de cette manière. Là où d’autres cherchent la hauteur, eux cherchent la profondeur.


Une montagne laissée en paix


Il y a un siècle, Hugh Ruttledge, explorateur britannique, aurait pu tenter l’ascension. Il a renoncé. Dans les années 1980, Reinhold Messner, légende de l’alpinisme, aurait reçu une autorisation officielle de Pékin pour gravir Kailash. Il a refusé. « Si nous conquérons cette montagne, alors nous conquérons quelque chose dans l'âme des gens. » aurait-il simplement déclaré.


Là où l’Everest croule sous les embouteillages de grimpeurs et les cadavres gelés, le mont Kailash est resté à l’écart. Pas une trace de crampon, pas une corde fixe, pas un camp de base. Un cas unique.


Ce n’est pas qu’une interdiction. C’est un respect instinctif, un code non écrit. Même les grimpeurs les plus téméraires comprennent : ici, la vraie ascension est ailleurs.


Les menaces du monde moderne


Aucun alpiniste ne s’y aventurera. Mais qu’en est-il du reste ? Le régime chinois contrôle la région et réglemente l’accès au site, notamment pour les pèlerins indiens. L’arrivée croissante de touristes pose la question de l’avenir de cet équilibre fragile. Combien de temps encore Kailash restera-t-il à l’abri du monde ?


Les autres sommets sacrés d’Asie n’ont pas eu cette chance. En 2001, une équipe espagnole a gravi le mont Genyen, une montagne sacrée du Tibet. Scandale. Pressions internationales. Pékin a dû renforcer l’interdiction sur Kailash. Mais pour combien de temps ?


L’histoire a montré que même les lieux les plus intouchables finissent par céder sous le poids des ambitions humaines. Mais peut-être que Kailash fera exception. Peut-être que cette montagne, où l’exploit ne se mesure pas en mètres gravis mais en humilité, résistera.


Un sommet que l’on ne gravira jamais


Dans un monde où tout doit être conquis, Kailash est une leçon.

On ne l’escalade pas.

On ne l’annexe pas.

On ne le défigure pas.

On le regarde.

On le contourne.

On s’y mesure autrement.

Le mont Kailash restera-t-il la dernière montagne préservée ? Peut-être. Mais s’il devait y en avoir une, ce ne pouvait être que celle-là.

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