Rencontre avec Klaas Willems : Grimper pour survivre à la mucoviscidose et au cancer
Sous un soleil éclatant, sur la terrasse d'une salle d'escalade située en banlieue parisienne, nous avons rencontré Klaas Willems, un grimpeur belge dont l’histoire défie tous les pronostics médicaux. Diagnostiqué à la naissance avec la mucoviscidose, une maladie génétique qui affecte gravement ses poumons et son système digestif, Klaas a également survécu à deux cancers. Loin de se laisser abattre, il a fait de l’escalade une arme pour sa survie, une passion vitale qui le pousse à transcender chaque jour ses limites physiques et mentales. À travers un échange sincère et plein de sagesse, Klaas nous a livré une leçon de résilience.
Un diagnostic lourd dès l’enfance
Dès sa naissance, Klaas a été confronté à une réalité que peu d’enfants - et d'adultes - peuvent imaginer. La mucoviscidose, une maladie génétique qui obstrue les voies respiratoires et perturbe la digestion, s’est imposée à lui comme une condamnation. « Quand je suis né, le docteur a dit à mes parents que c'était possible que je n'arrive jamais à l'âge de 12 ans », nous raconte-t-il. Ce diagnostic pesant aurait pu briser tout espoir, mais pour Klaas, ce fut au contraire une incitation à se battre pour chaque jour de sa vie.
« Quand je suis né, le docteur a dit à mes parents que c'était possible que je n'arrive jamais à l'âge de 12 ans »
Ses parents, loin de l’enfermer dans une bulle, ont pris une décision radicale pour l’époque : ils ont encouragé Klaas à pratiquer du sport. « Ils ont dit que les médicaments étaient importants, mais que je devais aussi faire beaucoup de sport parce que ça pourrait beaucoup m'aider », nous confie-t-il. Cette approche proactive, intégrant les traitements et l’activité physique, lui a permis de construire un corps capable de lutter contre la maladie. « Quand tu as des problèmes de poumons, tu dois faire plus d’efforts pour le sport, mais tu peux y arriver », ajoute-t-il.
Le sport est ainsi devenu une forme de thérapie pour Klaas, une manière de fortifier ses poumons et de se prouver que, malgré les pronostics, il pouvait dépasser les limites imposées par sa condition.
Une entrée tardive dans l’univers de l’escalade
Malgré son engagement précoce dans le sport, ce n’est qu’à l’âge de 18 ans que Klaas découvre réellement l’escalade. « Mon père grimpait, mais moi je ne voulais pas faire comme lui. J’ai joué au foot quand j’étais jeune », nous raconte-t-il avec une pointe d’amusement. Pendant longtemps, il avait cherché à suivre sa propre voie, loin des passions paternelles. Ce n’est que lorsqu’un ami l’invite à essayer l’escalade, près de chez lui, que la magie opère.
« C’était le bon moment pour commencer à grimper, car mes poumons n’étaient vraiment pas bien, mais j’étais très motivé », nous explique-t-il. Cette motivation, née dans un contexte où son état de santé ne cessait de se détériorer, l’a poussé à s’investir corps et âme dans cette nouvelle discipline. Dès ses premières sessions d’escalade, Klaas trouve dans ce sport quelque chose de profond, qui va au-delà du simple exercice physique. « L’escalade, c’est de l’air frais, c’est beaucoup de temps dans la nature. Ça aide énormément pour les poumons ».
Une lutte constante, physique et mentale
Au-delà des aspects physiques, l’escalade permet à Klaas de puiser dans des ressources mentales insoupçonnées. Chaque séance est un combat, non seulement contre la gravité, mais aussi contre les limitations que la maladie impose à son corps. « Quand les docteurs disent que tu ne peux pas faire quelque chose, tu as deux choix : soit tu les écoutes, soit tu essayes de te battre. Moi, j’ai choisi de me battre. »
« Ça donne de la motivation. Ça m’aide à suivre mes traitements avec plus d’enthousiasme, et à trouver un sens à tout ça. »
Cette détermination à ne pas céder face aux limitations médicales est devenue le moteur de sa vie. Klaas a compris très tôt que pour aller au-delà des attentes, il devait se fixer ses propres objectifs, toujours plus ambitieux. « Je savais que mes poumons étaient endommagés, mais je voulais prouver que je pouvais aller plus loin », nous explique-t-il, tout en soulignant l’importance de ne jamais se laisser enfermer par des pronostics.
Grimper, pour lui, c’est aussi une forme de thérapie mentale. « Ça donne de la motivation. Ça m’aide à suivre mes traitements avec plus d’enthousiasme, et à trouver un sens à tout ça ». L’escalade est devenue sa manière de se battre contre le quotidien oppressant des traitements, des thérapies respiratoires, et des nombreux passages à l’hôpital.
Gravir les plus grands sommets, malgré la maladie
L’un des accomplissements les plus marquants de Klaas a été de gravir Half Dome et El Capitan à Yosemite. Ces parois légendaires, parmi les plus difficiles et prestigieuses au monde, représentent un exploit extraordinaire pour tout grimpeur, et encore plus pour quelqu’un dont la capacité respiratoire est sévèrement réduite. « Je n’aurais jamais pensé que je pourrais grimper El Capitan. Mais une fois que c’était fait, je me suis dit : et maintenant ? »
Cette ascension symbolise une victoire contre la maladie pour Klaas, un pied de nez à ceux qui avaient prédit qu’il ne survivrait pas au-delà de son adolescence. « Grimper, c’est respirer. Et respirer, c’est vivre ». Chaque sommet représente une nouvelle victoire, un rappel que la maladie ne dicte pas sa vie. Pour lui, l’escalade est devenue une manière de vivre pleinement, de repousser constamment ses propres limites.
« Still Alive » : un projet de vie gravé dans la pierre
En Sardaigne, où il vit aujourd’hui, Klaas a équipé une voie en 8c, qu’il a nommée « Still Alive ». Cette voie, qui l’a occupé pendant trois ans, porte un message fort : celui de la persévérance et de la survie. « Quand j'ai fini d'équiper cette voie, je savais que je devais l’appeler 'Still Alive' parce que je suis toujours là, malgré tout ».
L’acharnement qu’il a mis pour réussir cette voie est à l’image de son combat contre la maladie. « Chaque chute me rappelait les moments où j’aurais pu abandonner, mais ça me donnait encore plus envie de revenir ».
« Still Alive, ce n’est pas seulement une voie d’escalade. C’est une manière de dire que je me bats toujours, et que je ne suis pas prêt à arrêter ». Pour Klaas, cette voie est aussi une manière de redonner à la communauté des grimpeurs, un espace où il a trouvé du soutien, et où il peut inspirer d’autres à dépasser leurs propres limites.
Un film pour inspirer
Le parcours de Klaas a été partagé dans un film documentaire, intitulé « Still Alive », produit par Petzl et La Sportiva, et sorti le 6 octobre sur YouTube. Ce film retrace son parcours, de ses premières batailles contre la maladie jusqu’à ses réalisations en escalade, et vise à inspirer ceux qui, comme lui, se battent contre des défis colossaux. « Je voulais faire ce film pour inspirer les autres, pour montrer qu’on peut toujours se battre, même quand tout semble impossible ». « C’est un film honnête. Ce n’est pas facile de parler de tout ça, mais si mon histoire peut aider quelqu’un à trouver la motivation de se battre, alors ça en vaut la peine ».
Klaas termine notre entretien avec un message clair pour ceux qui hésitent à se lancer dans une aventure, qu’elle soit sportive ou personnelle : « Ne cherchez pas des excuses. Beaucoup de gens regardent les autres et pensent qu’ils ne peuvent pas parce qu’ils ne sont pas assez en forme. Mais il faut essayer ».
Pour lui, l’échec fait partie du chemin vers le succès. « Échouer, c’est normal. Chaque échec te rapproche de ta réussite ». Klaas n’a jamais laissé ses faiblesses le définir, et il incite chacun à voir dans les obstacles des opportunités de se dépasser.
Un futur à écrire, en Sardaigne
Aujourd’hui, Klaas continue d’équiper des voies en Sardaigne, et son avenir semble plus prometteur que jamais. « J’ai encore beaucoup de projets à réaliser, et je ne compte pas m’arrêter là ». Installé sur cette île où l’air pur et la nature le maintiennent en bonne santé, il trouve dans chaque nouvelle voie un souffle nouveau.
« C’est la première fois de ma vie que je peux vraiment me projeter dans l’avenir ». Avec sa force de caractère et son optimisme inébranlable, Klaas continue de grimper, de vivre, et d’inspirer.