Jim Pope, failles et éternel recommencement
À travers une vidéo récemment publiée par Wedge Climbing, Jim Pope nous entraîne dans son univers, où chaque voie devient un terrain de jeu et d’exploration. Grimpeur, mais surtout explorateur, il incarne l’esprit d’une escalade complète et sans concessions, oscillant entre compétitions millimétrées et aventures sauvages sur le grès brut du Peak District. Là où certains cherchent la cotation ou la performance, Jim cultive l’art de recommencer, de réinventer son escalade à chaque nouvelle ligne.
Un grimpeur façonné entre béton et nature
Né en 1998 à Londres, Jim Pope découvre l’escalade enfant, lors d’un séjour en famille dans le Lake District. Dès lors, les salles d’escalade deviennent son refuge dans une ville où la roche naturelle semble bien loin. À Hackney, où il grandit, il s’entraîne avec une régularité de métronome. À seulement 15 ans, il signe une performance précoce en réalisant "Mecca – A Mid-Life Crisis" (8b+), une voie emblématique de Raven Tor.
Rapidement repéré, Jim intègre l’équipe nationale britannique et enchaîne les titres de champion national en difficulté. Mais son ambition dépasse les murs artificiels : Jim Pope n’est pas un pur produit de la compétition. Il refuse de choisir entre les disciplines, préférant se nourrir de leurs différences pour enrichir son escalade.
« Je veux être bon partout, du bloc au trad, en passant par la grimpe sportive. Pourquoi choisir ? »
Cette soif de polyvalence l’amène à repousser ses limites : 8B+ en bloc, 8c+ en escalade sportive, et E10 en trad. Des chiffres impressionnants, mais Jim Pope n’en fait jamais des trophées. Ce qui compte pour lui, c’est l’expérience, l’aventure brute, les heures passées à chercher une ligne encore vierge.
Kinder scout : un terrain où le passé rencontre le présent
Au cœur du Peak District, le plateau de Kinder Scout s’élève comme un monument de l’histoire de l’escalade britannique. Ici, pas de prises usinées ni de confort moderne : le grès impose ses règles. Cette roche imprévisible, souvent glissante, force les grimpeurs à la précision et à la retenue. « Les lignes ne viennent pas à toi, il faut les chercher, parfois les gratter. Rien que l’approche est une mise à l’épreuve », confie Jim.
Pour lui, Kinder est autant un terrain d’aventure qu’un lieu de mémoire.
« Le topo n’est pas qu’un guide, c’est un livre d’histoires. Chaque ligne a été grimpée, rêvée ou ratée par d’autres avant moi. C’est comme si tu marchais sur leurs pas. »
Mais cette mémoire n’empêche pas la nouveauté. C’est ici que Jim Pope a ouvert "Kindred Spirits", une ligne sous un toit massif : 25 mouvements sans répit, où la technique côtoie l’endurance pure. « Ce n’est pas la cotation qui est dure, c’est l’ensemble. L’effort continu, les placements de protection… C’est épuisant, mais tellement gratifiant. »
De la compétition à l’aventure : l’équilibre subtil
Si les lignes sauvages de Kinder nourrissent l’aventurier en lui, Jim Pope reste aussi un compétiteur dans l’âme. Il a connu la pression des qualifications pour les Jeux Olympiques et la rigueur des circuits internationaux. Une expérience qu’il décrit comme formatrice, bien qu’étouffante.
« Après des mois d’entraînement millimétré, partir à Kyarn sans plan précis, c’était vital. Plus de chrono, plus de pression. Juste grimper pour le plaisir. »
Cette liberté retrouvée contraste avec les salles où tout est calculé. Car pour Jim, l’essence de l’escalade se trouve dans l’inattendu : les blocs qu’on découvre par hasard, les prises masquées sous la mousse, les journées trop longues où l’on rentre les doigts en feu mais le sourire aux lèvres.
Un grimpeur complet, à la recherche de nouvelles lignes
Jim Pope, c’est aussi un esprit curieux, un explorateur. Il ne se contente pas des voies tracées et cherche sans cesse « la ligne qui n’existe pas encore ». Ses réalisations dans des styles aussi variés que le trad, le bloc et la difficulté en font l’un des grimpeurs britanniques les plus polyvalents.
À Kinder Scout, il a trouvé un terrain à sa mesure : brut, exigeant, sans concessions. Mais il n’hésite pas à changer d’horizon pour mieux revenir. En Suisse, il trouve une forme de répit : « Là-bas, tu déplaces ton pad d’un mètre et tu trouves une autre voie cinq étoiles. Ça repose l’esprit. » Un contraste nécessaire avant de replonger dans les terrains d’aventure, là où chaque prise est une conquête.
La beauté d’un recommencement perpétuel
Ce qui distingue Jim Pope, c’est aussi cette capacité à se remettre en question, à toujours revenir à l’essentiel. Du sommet d’une voie mythique à la ligne encore anonyme d’une vallée perdue, chaque expérience compte. Pour lui, l’escalade n’est pas une affaire de chiffres ou de médailles, mais de moments partagés, d’histoires gravées dans le grès.
« Même après des big walls, même après les plus belles ascensions, je reviens ici et je retrouve de la magie dans une petite ligne locale. Ça veut dire qu’il y a toujours plus à découvrir. »
Le grès comme école de vie
Jim Pope est l’incarnation d’une escalade totale : celle qui ne se limite ni à un mur, ni à une discipline. En équilibre constant entre compétition et aventure, il cultive une polyvalence rare, alimentée par une soif inépuisable de renouveau. Le grès, avec sa beauté brute et ses défis insaisissables, est pour lui bien plus qu’une roche : c’est une école de vie. Un terrain où chaque sommet n’est jamais la fin, mais le début de quelque chose d’autre.
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