James Pearson : Réflexion d’un homme sur l’inclusivité et la déconstruction des rôles en escalade
Lors d'une conversation ouverte, James Pearson, grimpeur britannique reconnu, a partagé avec nous comment son regard sur l’inclusivité et la parité dans l’escalade a évolué au fil des années. Si son expérience personnelle est au cœur de cette réflexion, c’est aussi sa relation avec Caroline Ciavaldini, grimpeuse de haut niveau, qui révèle les défis et les opportunités d’un milieu encore largement façonné par des dynamiques masculines.
L’éveil progressif à la cause féministe
James commence par partager un souvenir marquant : l’invitation de Caroline au Women's Climbing Symposium en Angleterre. "C’était en 2017, juste avant la naissance de notre premier enfant. Caroline avait été invitée à cet événement 100% féminin, et je me rappelle qu’elle ne comprenait pas vraiment l’intérêt. Elle disait : ‘Pourquoi un événement juste pour les femmes ? Je ne vois pas le besoin.’ À l’époque, elle avait grandi avec une mère qui lui avait toujours dit qu’elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait, sans limites." James avoue lui-même avoir partagé ce scepticisme initial. Pourtant, cette expérience a profondément transformé Caroline, et par ricochet, lui aussi.
"Caroline est revenue avec une énergie nouvelle, et elle a commencé à envisager de créer un événement similaire en France. Elle voyait l’importance d’un espace réservé aux femmes, où elles pouvaient grimper sans sentir le regard des hommes, sans cette pression invisible mais omniprésente." Ce projet s’est concrétisé avec la création de Grimpeuses en 2018, une initiative pionnière dans le monde de l’escalade en France.
Une dynamique de couple transformée par l’escalade
James évoque ensuite comment leur pratique de l’escalade en couple a évolué avec le temps. Tous deux grimpeurs de haut niveau, mais cette passion commune n’a pas toujours été exempte de défis. "Dans beaucoup de couples, c’est l’homme qui prend les décisions : choisir la falaise, la voie, et grimper en tête. Ce n’est pas toujours intentionnel, mais c’est un schéma assez courant," explique-t-il. "Pour nous, ça n’a jamais vraiment été le cas. Au début, Caroline était bien plus forte physiquement, tandis que j’avais davantage d’expérience en trad. Nous avons toujours fonctionné en équipe, sans vraiment penser aux rôles homme-femme."
Cependant, James confie qu’il a dû déconstruire certains automatismes ancrés dans les relations de couple : "Caroline est une grimpeuse extrêmement talentueuse et confiante, mais il est facile de tomber dans des schémas où l’homme prend les décisions. J’ai dû apprendre à faire un pas en arrière, à écouter, et à laisser plus de place à sa voix." Cette réflexion l’a également mené à une introspection plus large sur les rôles de genre dans la société : "Je pense que beaucoup d’hommes, comme moi, ne réalisent pas à quel point ces schémas sont ancrés. Nous avons grandi avec l’idée que certaines choses étaient ‘normales’, sans même y réfléchir."
L’inclusivité dans les événements féminins : une réflexion complexe
James se souvient aussi de son rôle lors de la première édition de Grimpeuses, où il était présent en tant que photographe. "Je me souviens m’être senti incroyablement mal à l’aise. J’étais le seul homme entouré de cinquante femmes, et je craignais que tout le monde pense que j’étais là pour des raisons déplacées." Cette situation lui a fait réaliser à quel point les femmes peuvent ressentir la même chose lorsqu’elles se retrouvent dans des environnements majoritairement masculins. "Ce malaise que j’ai ressenti, c’est sans doute ce que vivent beaucoup de femmes lorsqu’elles arrivent sur une falaise entourées uniquement d’hommes."
Au fil de la journée, James a pu observer l’ambiance unique qui régnait entre les participantes : "Il y avait une entraide, un soutien mutuel que je n’avais jamais vu ailleurs. Les femmes se motivaient, se soutenaient pour surmonter des défis. C’était une dynamique totalement différente." Ce constat l’a amené à soutenir pleinement l’idée de créer des espaces où les femmes peuvent évoluer en toute liberté, sans jugement ni pression extérieure.
Le défi d’intégrer les hommes dans ces événements
Si Grimpeuses a d’abord été conçu comme un événement exclusivement féminin, la question de l’inclusion des hommes s’est rapidement posée. "C’est délicat," admet James. "D’un côté, nous voulons que les hommes participent à ces discussions, qu’ils comprennent les enjeux et deviennent des alliés. De l’autre, leur présence peut parfois diluer cette énergie particulière qui se crée dans un groupe exclusivement féminin." Ce dilemme a poussé Caroline et son équipe à envisager diverses options : permettre aux hommes de participer à certaines activités, mais dans un cadre qui ne nuise pas à l’atmosphère de confiance entre les femmes.
James évoque aussi l’expérience d’un de ses amis, qui a longtemps hésité à participer à l’événement. "Ils trouvaient toujours des excuses pour ne pas venir, peut-être parce qu’ils se sentaient mal à l’aise à l’idée d’être le seul homme. Cela montre à quel point il est difficile de changer les mentalités, même chez ceux qui sont bien intentionnés."
Vers une évolution durable dans le monde de l’escalade
Aujourd’hui, James et Caroline continuent d’œuvrer pour une plus grande inclusivité dans le milieu de l’escalade, non seulement pour les femmes, mais aussi pour d’autres groupes sous-représentés. "Il y a encore beaucoup à faire, que ce soit au niveau de la représentation des femmes dans les rôles d’ouvreuses ou dans les compétitions, où les parcours sont souvent pensés par des hommes pour des hommes," remarque James.
Il souligne l’importance de ce qu’il appelle "la discrimination positive" pour accélérer ce changement. "Si nous voulons que les choses changent, nous devons activement encourager les femmes à prendre leur place, à ouvrir des voies, à coacher. Ce n’est pas juste une question de répartition équitable, mais de donner aux femmes les outils et la visibilité nécessaires pour réussir."
En partageant son parcours et ses questionnements, James Pearson souligne combien il est essentiel de repenser nos perceptions de l’inclusivité et des rôles de genre dans l’escalade. Si des initiatives comme Grimpeuses ont marqué des étapes importantes, le chemin vers une égalité véritable reste long. "Nous devons poser des questions, même quand elles dérangent, et accepter de remettre en cause nos croyances. C’est seulement comme ça que nous pourrons avancer, ensemble."