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L’ICE Climbing Écrins, l’heure des transitions

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Chaque hiver, l’Argentière-la-Bessée frissonne au rythme des piolets et des crampons. Pendant trois jours, les cascades gelées des Hautes-Alpes accueillent l’ICE Climbing Écrins, une fête où la montagne se décline en glace, écologie, et grandes discussions sur l'avenir de nos pratiques. Cette 35ᵉ édition, marquée par les adieux de Cathy Jolibert, symbolise un tournant : une transition soigneusement amorcée mais dont les contours restent à sculpter.


ICE Climbing Ecrins
© Jan Novak

Organisatrice emblématique depuis une décennie, Cathy a donné à l’ICE son caractère engagé, parfois déroutant pour certains, mais toujours authentique. « L’ICE, c’est amener l’esprit de la montagne dans un événement : entraide, amicalité, presque une confrérie », nous confie-t-elle. Alors, sans Cathy, l’ICE perd-il sa boussole ou trace-t-il un nouveau sillon ?


Cathy Jolibert : dix ans de montagnes et d’idées fortes


Pendant dix ans, Cathy Jolibert n’a pas seulement organisé l’ICE : elle l’a façonné à son image. Un peu rebelle, un peu idéaliste, souvent pragmatique. Des repas végétariens pour limiter l’impact environnemental aux conférences sur la durabilité, elle a transformé ce rendez-vous en laboratoire d’idées. Et pas question de déroger à certaines règles, comme celle où chacun lave sa propre vaisselle.


Un détail anecdotique ? Pas pour certains. « Faire ma vaisselle, sérieux ? Et le végétarien, c’est pas mon truc. On a de supers éleveurs locaux, pourquoi pas mettre ça en avant ? », s’agace un guide. Mais Cathy assume : « Le premier jour, ils râlent, et le troisième, ils trouvent ça pas si mal. Il faut laisser aux gens le temps d’évoluer. »


ICE Climbing Les Ecrins
© Jan Novak

Cette édition était pour elle « l’aboutissement de dix ans d’évolutions », presque une conclusion.


« J’avais une idée de là où je voulais arriver, et je pense y être parvenue en termes de notoriété, de rencontres et de valeurs. »

Pourtant, Cathy ne s’est pas contentée d’un simple départ. Elle a orchestré une passation, discrète mais réfléchie.


« Cela fait trois ans que je forme celles et ceux qui, selon moi, allaient reprendre. J’ai utilisé mes outils de coaching pour transmettre une méthodologie et accompagner l’équipe. Aujourd’hui, je fais un pas de côté pour leur laisser créer leur propre dynamique. »

Le mystère reste entier sur les futurs organisateurs. Cathy, fidèle à son esprit protecteur, préfère taire leurs noms. « C’est trop tôt. L’équipe a besoin de temps pour se réunir et se préparer. » On sait seulement qu’Oriane, Julie, Maëlle, ainsi que deux guides, Octave et Nil, seront au cœur de ce collectif.


Un camp de base entre barnum, boule et festivités


À l’ICE, le centre névralgique, c’est l’Argentière et sa configuration unique. La salle des fêtes accueille les marques comme Petzl, Black Diamond, Simond ou encore Millet, venues présenter leurs dernières innovations – parfois avant même qu’elles n’arrivent sur le marché. À quelques enjambées de là, la salle de l’Amicale Boule Briançonnaise se transforme en bar, en salle de projections, ou en théâtre pour les conférences. Entre les deux trône le barnum où l’on dîne en doudoune, sous une lumière tremblotante, en se réchauffant à coups de soupe servie en libre-service.


C’est dans cette ambiance que se croisent débutants intimidés et pros enjoués. « C’est un espace pour apprendre, oser, et se retrouver », explique une habituée. Mais ici, on ne parle pas que d’équipement ou de performances : on réfléchit aussi.


ICE Climbing Ecrins 2025
© Vertige Media

Ateliers pour le corps et l’esprit


Cette édition a mis les participants à rude épreuve… et pas seulement physiquement. Antoine Le Menestrel, grimpeur et poète, a animé un atelier de danse-escalade où les piolets ont cédé la place à des gants de soie. « La glace, on la touche, on l’écoute, on dialogue avec elle. Il faut demander à la prise si elle accepte d'être prise. », glissait-il avec ce mélange de sérieux et d’espièglerie qui le caractérise.


Un autre temps fort ? L’atelier chaud-froid, animé par Yann Estienne et Simon Marie. Marcher pieds nus dans la neige pour réapprendre l’inconfort, puis se réfugier dans une hutte de sudation où la température monte en flèche. Entre dépassement et lâcher-prise, ces pratiques ont permis à certains d’aborder la montagne sous un jour nouveau.


Des soirées qui éclairent autant qu’elles divertissent


Quand la nuit tombe, l’ICE ne s’endort pas. Vendredi, les festivités ont commencé par deux projections. Le film "Le cavalier sans tête", avec Charles Dubouloz et Symon Welfringer, a plongé l’audience dans une expédition extrême. Une courte vidéo sur le "flow" de James Pearson a ensuite ouvert une réflexion sur le dépassement de soi et l’état d’esprit en montagne.


Eline Le Menestrel, artiste et activiste, récemment récompensée par le Trophée Écologie aux Trophées de la Verticalité, a aussi captivé l’attention dès le premier jour. Avec son collectif Uppossible, elle promeut une escalade écoresponsable, mêlant spectacles itinérants et plaidoyer écologique. Sa performance, entre récit personnel et vision engagée, a touché juste, rappelant que grimper, c’est aussi réfléchir à l’impact que l’on laisse derrière soi. Eline a ensuite été rejointe par Caroline Ciavaldini et Véronique Dansereau pour débattre de la mobilité douce, un thème qui s’est imposé comme un fil rouge de cette 35ᵉ édition.


ICE ECRINS
© Jan Novak

Les frères Ladevant, ou l’appel des JO d’hiver


Impossible de parler d’escalade sur glace sans évoquer "les frères Ladevant", Louna et Tristan, figures incontournables de la discipline. À l'occasion de notre dernier dîner, Tristan a partagé avec nous sa vision d’un avenir olympique pour les JO d’hiver de 2030. Et il ne s’agit pas seulement d’intégrer l’escalade sur glace : son plaidoyer vise à défendre l’événement dans son ensemble.


Ambassadeur de la FFCAM, Tristan est envoyé auprès des députés et décideurs pour promouvoir ce rêve. « Les infrastructures existent déjà dans les Alpes, et les rénovations nécessaires bénéficieront à tous les pratiquants », argumente-t-il, prenant soin de passer sous silence les coûts estimés pour certaines installations, comme la piste de bobsleigh de La Plagne (10 à 15 millions d’euros, tout de même). Un discours bien rodé, mais aussi sincère, porté par la passion d’un athlète qui rêve de voir son sport briller sous les anneaux.


Un avenir à réinventer


Quand la dernière assiette est lavée et que les parois gelées retrouvent leur calme, une évidence s’impose : l’ICE Climbing Écrins dépasse le simple événement sportif. C’est un carrefour où la montagne parle à ceux qui l’écoutent, où les idées surgissent comme des éclats de glace, prêtes à remodeler nos pratiques.


« C’était ma 10ᵉ édition, et j’ai arrêté l’ICE pour créer du vide et faire de la place au renouveau », nous glisse Cathy Jolibert en conclusion. À l’image des sillons gravés sur une paroi gelée, son passage a durablement marqué l’histoire de cet événement. Tandis que la nouvelle équipe se prépare à prendre le relais, une chose reste certaine : la glace des Écrins continuera de fasciner celles et ceux qui osent relever ses défis.

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