Les gamelles d’Alex Honnold : le roi du solo face à ses chutes
Alex Honnold, l’homme qui a défié El Capitan, Half Dome et accessoirement la gravité. Ses exploits en solo intégral sont la matière des légendes, une ode à l’audace et, disons-le, à un certain mépris pour la prudence. Mais derrière ces sommets vertigineux se cache une autre histoire, bien moins reluisante : celle d’un homme qui, avant de tutoyer les cimes, a souvent goûté au sol.
Un voyage dans la vie trébuchante de celui qui a fait de la chute un art, des fractures un rituel, et de chaque erreur un tremplin vers la gloire.
Premières gamelles : la gravité n’épargne personne
Avant d’être le dieu des parois, Alex Honnold était… un gamin casse-cou. Son premier terrain d’entraînement ? Les balançoires et toboggans des aires de jeux. Bilan : deux poignets fracturés avant même d’avoir appris à multiplier. Une enfance visiblement passée à tester les limites de l’anatomie humaine, souvent de la pire des façons.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Adolescent, Honnold se passionne pour l’escalade et les compétitions. La gravité, elle, ne le quitte jamais d’une semelle. Un bras cassé ici, un poignet explosé là-bas – il semblait voué à vivre en plâtre. À ce stade, difficile de savoir s’il essayait de devenir grimpeur ou figurant dans un manuel de premiers secours.
Le Mont Tallac : une leçon (très) douloureuse
2004. Le jeune Honnold a 19 ans et des rêves plein la tête. L’université ? Déjà une vieille histoire. À la place, il se lance dans son premier projet en solo intégral : le Mont Tallac, une ascension hivernale dans la Sierra Nevada. Une montagne modeste sur le papier, mais pas dans ses conséquences.
Mal préparé et inexpérimenté, il se retrouve coincé par la glace et la neige. La suite ? Une chute libre de 120 mètres qui aurait pu être fatale. À l’arrivée : côtes brisées, mains fracturées, commotion cérébrale et un sinus perforé pour la cerise sur le gâteau. Étendu sur la paroi, en attendant les secours, Honnold réfléchit à son avenir. "Après cet accident, j’ai décidé de… vraiment faire attention," déclarera-t-il plus tard avec un humour glacé. Spoiler : il ne tiendra pas cette promesse.
La branche salvatrice : un miracle à la sauce Honnold
Certains ont des anges gardiens, d’autres des branches d’arbres. Lors d’une ascension de Shune’s Buttress, une voie de 240 mètres cotée 7a, Honnold vit l’improbable. Une prise casse, il bascule dans le vide… et s’écrase sur une branche providentielle qui interrompt sa chute. Suspendu, indemne, il reste quelques instants à contempler l’absurdité de la situation.
Et là où n’importe qui aurait remercié les dieux de l’escalade en rentrant au sol, Alex fait l’inverse : il remonte et termine la voie. Une anecdote parmi tant d’autres ? Oui, pour Honnold. Mais pour la communauté des grimpeurs, ce genre d’histoire ne fait que renforcer son aura quasi mystique, un mélange de talent et de chance insolente.
Godzilla : l’accident qui ébranle tout
2016 : Honnold s’entraîne pour El Capitan, mais la gravité n’a pas dit son dernier mot. Ce jour-là, il grimpe avec Sanni McCandless, sa petite amie de l’époque et future femme. Novice en escalade, elle assure Honnold sur la voie Godzilla, mais une série d’erreurs transforme une simple descente en désastre.
La corde est trop courte. Honnold, confiant, ne vérifie rien, et – cerise sur le cake – oublie de faire un nœud de sécurité. Résultat : la corde file, Honnold chute de plusieurs mètres et atterrit lourdement sur des rochers. Diagnostic : deux vertèbres comprimées. Le genre de blessure qui ferait réfléchir n’importe qui.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Honnold en a beaucoup voulu à sa partenaire. Au point de se demander si être en couple n’était pas un "risque trop encombrant". Pourtant, cette expérience douloureuse n’a pas détruit leur relation – elle l’a fortifiée. Comme quoi, même les vertèbres comprimées peuvent cimenter un couple.
Chutes et grandeurs : le paradoxe Honnold
Alex Honnold n’a jamais fait les choses comme tout le monde. Là où d’autres auraient vu des avertissements dans ces accidents, il a trouvé des leçons. Chaque chute, chaque fracture a contribué à façonner l’homme qu’il est devenu : un grimpeur à l’aura quasi légendaire. En 2017, lorsqu’il réussit son solo intégral sur El Capitan, il prouve que la grandeur naît souvent des échecs les plus brutaux.
Alors oui, Honnold embrasse le chaos, parfois même un peu trop fort. Mais c’est peut-être là que réside sa véritable force : accepter la chute, se relever, et continuer à grimper. Et au fond, n’est-ce pas ça, la vraie grandeur ?