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Grimpeurs volages : fin de l’amour exclusif en salle

Photo du rédacteur: Pierre-Gaël PasquiouPierre-Gaël Pasquiou

Il fut un temps – pas si lointain – où l’on grimpait dans la salle. Une seule. Celle du quartier, de la ville, parfois à vingt bornes mais sans alternative. On y allait par habitude. Par nécessité. Par attachement, aussi. Une salle d’ancrage, avec ses ouvreurs familiers, ses murs qu’on connaissait par cœur, ses routines rassurantes. Ce temps n’a pas disparu. Il s’est dilué.


Fidélité grimpeurs salles d'escalade

Aujourd’hui, tout a changé. À Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Grenoble ou Lille, on peut choisir. Comparer. Zapper. D’un soir à l’autre, d’un créneau à l’autre. Le grimpeur moderne a appris à se déplacer, à moduler, à s’adapter à une offre devenue pléthorique. Et ce glissement, d’un modèle de fidélité à un usage plus fragmenté, n’a rien d’anecdotique.


Ce bouleversement dans la densité du réseau de salles, dans la facilité d’accès, a reconfiguré en profondeur la relation entre un grimpeur et “sa” salle. L’infidélité n’est plus une entorse au contrat : c’est la nouvelle norme.


Les chiffres ne mentent pas


Selon notre étude Qui sont les grimpeurs en France ?, menée auprès de plus de 15 000 grimpeurs, seuls 16,7 % déclarent ne jamais fréquenter d’autres salles. Les autres ? Plus de 80 % alternent, explorent, diversifient. La moitié d’entre eux changent de salle de temps en temps. Un tiers le font souvent.


Fidélité grimpeurs

Ce n’est pas un effet de style ou un mouvement de panique. C’est une logique rationnelle, permise par l’environnement urbain, structurée par l’abondance de choix et les ouvertures géographiquement concurrentes.


La fidélité ne s’est pas effondrée : elle s’est rendue inutile.


Plus on pratique, moins on reste


Le lien entre ancienneté et volatilité est limpide. Plus un grimpeur prend de la bouteille, plus il multiplie les murs. Parmi les pratiquants depuis moins d’un an, 42,5 % déclarent ne fréquenter qu’une seule salle. C’est encore le temps de la découverte, du cocon, de l’habitude confortable.


Mais cette fidélité initiale ne résiste pas longtemps à l’expérience. Elle s’effondre dès que le grimpeur franchit la barre des deux ans de pratique. Entre deux et cinq ans, seuls 11,8 % restent fidèles à une salle unique. Et au-delà de cinq ans, moins d’un grimpeur sur dix.

Ce qui se joue là, ce n’est pas le désamour : c’est l’exigence.


On connaît mieux les ouvertures. On devient plus attentif à la fréquence de renouvellement. On a des préférences de style, de type de grimpe, d’ambiance. Et on sait que ce qu’on ne trouve plus ici, on le trouvera peut-être ailleurs.


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La diversification n’est pas une fuite, c’est une stratégie


Ce n’est pas un abandon. C’est une manière d’optimiser sa pratique. On ne change pas de salle par trahison affective, mais parce qu’une autre propose une dalle plus inspirée, un toit plus exigeant, un créneau moins bondé, une salle de renforcement mieux foutue. Le grimpeur expérimenté devient tactique. Il panifie, teste, affine. Et la fidélité s’efface dans la recherche du meilleur terrain.


L’âge complexifie le tableau


Les trentenaires et quadragénaires sont ceux qui bougent le plus. 86,4 % de grimpeurs âgés de 25 à 44 ans fréquentent régulièrement plusieurs salles. Une logique souvent professionnelle : le travail dicte les horaires, la mobilité dicte les lieux, et l’escalade s’adapte.


Chez les plus jeunes (15-24 ans), la situation est mixte. On découvre, on suit des amis, on bouge parfois, mais sans toujours avoir la liberté logistique de choisir. Quant aux plus de 65 ans, ils restent largement fidèles à leur structure principale : 40.9 % n’en fréquentent qu’une. Pas forcément par conservatisme, mais parce qu’ils ont trouvé ce qui leur convient. Et qu’ils n’ont plus envie de perdre du temps à chercher ailleurs.


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L’accessibilité : la fidélité commence dans les transports


La variable la plus décisive reste souvent la plus pragmatique. Parmi ceux qui jugent l’accessibilité de leur salle excellente, près de 20 % restent fidèles. Chez ceux qui la trouvent mauvaise, ce taux s’effondre à 5,7 %. Et plus de la moitié d’entre eux fréquentent plusieurs salles régulièrement.


Il ne suffit pas d’avoir de bons blocs : encore faut-il y accéder sans galère. Le métro bondé, le vélo de nuit, le bus qui passe toutes les 40 minutes… tout ça pèse. Et plus l’accès est difficile, plus le lien se distend.


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Une mutation imposée par le marché


Mais au fond, peut-on encore parler de trahison ? Ce n’est pas le grimpeur qui a rompu le contrat de fidélité. C’est le marché qui en a modifié les termes.


Dans les grandes agglomérations, on compte désormais parfois plus de cinq salles dans un rayon de 30 minutes. Le grimpeur urbain n’est plus captif. Il est en réseau. Arkose, Climb Up, Vertical’Art, Climbing District, Block’Out… la carte est dense, les formats variés, les identités plus ou moins marquées. Il y a des salles pour grimper vite, d’autres pour flâner, certaines pour s’entraîner, d’autres pour sociabiliser.


Pourquoi rester fidèle à une seule, quand chacune semble répondre à un besoin spécifique, à un moment donné ?


Une fidélité affective, pas exclusive


Mais ce serait une erreur de croire que l’attachement a disparu. On peut fréquenter cinq salles, et se sentir chez soi dans une seule. On peut zapper, tester, explorer… et revenir, encore et encore, dans ce lieu où l’on retrouve un rythme, des visages, une ambiance.


La fidélité ne se mesure plus au nombre de visites. Elle se mesure à la place qu’une salle occupe dans l’esprit du grimpeur.


Ce n’est plus une exclusivité, c’est une préférence flottante. Une loyauté discrète, mais réelle. Celle qu’on ressent quand, malgré toutes les options, on sait toujours laquelle on recommanderait en premier.


Pour les salles : une nouvelle équation


Dans ce contexte, vouloir retenir les grimpeurs à tout prix est un non-sens. Il faut accepter qu’ils partent… et faire en sorte qu’ils aient envie de revenir.


La fidélité ne se décrète pas. Elle se construit. À coups de renouvellement d’ouvertures, de qualité d’accueil, d’identité forte, de services bien pensés, d’événements qui donnent envie de rester un peu plus longtemps après la séance.


Le grimpeur moderne ne s’attache plus à une salle comme à une carte de fidélité. Il s’attache à ce qui vibre, à ce qui surprend, à ce qui l’appelle.


Une fidélité mobile, exigeante, sincère


Elle existe encore, cette fidélité. Mais elle ne se loge plus dans l’habitude. Elle naît du désir.


Elle n’est plus acquise : elle se regagne chaque semaine. Elle n’est plus unique : elle se partage entre plusieurs lieux. Elle n’est plus tranquille : elle est attentive, critique, mouvante.

Mais elle est là, encore. Et pour les salles, c’est à la fois un défi et une chance : car rien n’est plus précieux que le retour d’un grimpeur qui avait mille autres options, et qui revient. Simplement parce qu’il en a envie.


Téléchargez l’étude et creusez les chiffres


Cet article n’est qu’un échantillon des enseignements que révèle notre étude sur les grimpeurs en France. Au-delà du portrait des néo-grimpeurs, elle explore qui sont les grimpeurs en France, où et comment ils pratiquent, ce qui influence leur fidélité à une salle, et comment évolue leur rapport à l’extérieur.


Vous y trouverez aussi des analyses croisées entre les différents profils de grimpeurs :


  • Les différences de pratiques entre hommes et femmes

  • Comment l’ancienneté influence la fréquence et la satisfaction

  • Pourquoi certains restent fidèles à une salle et d’autres papillonnent


Pour découvrir toutes ces tendances et leurs implications, il vous suffit de télécharger l’étude complète sur les grimpeurs en France.


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