Federica Mingolla : L’épreuve du vide et la renaissance par les cimes
Federica Mingolla, 29 ans, est bien loin de l'image que l'on pourrait se faire d'une grimpeuse de haut niveau. Derrière son accent italien chantant et son énergie positive se cache une femme forgée par les parois abruptes, les blessures invisibles, et une volonté inébranlable. Lors de notre rencontre, son franc-parler saute aux yeux. Pas de fioritures, pas de discours édulcoré : Federica, c’est du brut, de l’authentique.
« Je vis de l’escalade et de l’alpinisme depuis que j’ai 21 ans » nous confie-t-elle d’entrée de jeu. Mais très vite, on comprend que sa vie ne se résume pas à des performances sportives. Quand elle n’est pas sur les falaises, Federica travaille comme guide de montagne et mène en parallèle des études d’ostéopathie à Turin. « Quand je ne suis pas en montagne, je suis plongée dans mes études ou je pars grimper ailleurs dans le monde ». Sa vie est un équilibre subtil entre passion et pragmatisme, sans place pour les compromis inutiles. « Je grimpe pour moi, pour me confronter à la montagne » explique-t-elle.
L’écriture comme catharsis
En 2022, Federica fait un choix peu commun pour une athlète de son calibre : elle écrit un livre : "Fragile come la roccia". « Ce n’est pas un livre qui parle juste d’escalade ou de montagne. C’est une série de récits personnels, des événements qui ont changé ma vie » explique-t-elle. Son ouvrage explore les moments marquants de son parcours, et l’un des plus poignants est son combat contre l’anorexie.
« En montagne, j’ai réalisé que mon corps avait besoin d’énergie pour affronter les conditions extrêmes. C’est là que j’ai recommencé à manger normalement. Pas par choix, mais parce que c’était une question de survie. »
« J'étais compétitrice pour l’équipe nationale italienne, et à cette époque, je pesais environ 10 kilos de moins qu’aujourd'hui » se souvient-elle. « C’était une période très sombre. Je me battais contre mon propre corps ». À travers cette confession, Federica brise un tabou encore trop présent dans le monde du sport. « La compétition te pousse à vouloir être la meilleure, mais ça vient souvent avec un prix ».
Ce qui l’a sauvée, c’est la montagne. « En montagne, j’ai réalisé que mon corps avait besoin d’énergie pour affronter les conditions extrêmes. C’est là que j’ai recommencé à manger normalement. Pas par choix, mais parce que c’était une question de survie ». Cette découverte a profondément façonné sa philosophie de vie. « La montagne m’a reconnectée avec la vie. Elle m’a appris à me connaître, à comprendre mes limites, et à voir à quel point je pouvais être forte ».
Des parois à conquérir : la passion inextinguible
Federica est également reconnue pour ses exploits sur les parois, et pas des moindres. Parmi ses réalisations les plus impressionnantes figure son ascension libre de "Tom et Je Ris" dans les Gorges du Verdon, une voie redoutable de 55 mètres cotée 8b+. « C’était brutal. Chaque mouvement te vide de ton énergie. Mais c’est pour ça qu’on y va, non ? » Ces mots résument bien l’approche de Federica : l’escalade n’est pas simplement une passion, c’est une confrontation continue avec ses propres limites.
Elle a également marqué les esprits en gravissant "Digital Crack" côtée 8a+ dans le massif du Mont Blanc, une voie technique qui teste les capacités des plus grands grimpeurs. Cependant, l’une de ses réalisations majeures est sa répétition en 2016 de "Itaca nel Sole" dans la vallée de l'Orco, une voie de granit cotée jusqu’à 8b. « Le granit, c’est impitoyable. Chaque mouvement exige une concentration totale. J’ai passé des années à perfectionner ma technique sur cette roche ».
« La montagne ne ment jamais. Si tu n’es pas prête, elle te jette. »
Federica entretient une relation particulière avec ses ascensions. « La montagne ne ment jamais. Si tu n’es pas prête, elle te jette ». Cette sincérité brute de la nature la pousse à persévérer, sans tricher, sans détour.
Réseaux sociaux : l’enfer du décor
Forcément, lorsque l’on parle de tricherie, le sujet des réseaux sociaux ne met pas beaucoup de temps à arriver dans la conversation. Federica observe une forme de dualité de plus en plus marquée sur les réseaux sociaux. « Il y a deux marchés : les athlètes, qui travaillent avec les marques pour montrer la performance des produits, et les influenceurs, qui sont là pour vendre ces produits » explique-t-elle. Un constat qui l’amène à dénoncer un système où la performance et l’authenticité sont souvent éclipsées par la simple recherche de visibilité et de likes.
« Moi, je ne montre pas mon corps, je ne veux pas que les gens me mettent des likes juste parce que je suis en mini short. »
En tant qu’athlète femme, Federica est aussi bien consciente de la pression à laquelle elle fait face sur les réseaux. « Moi, je ne montre pas mon corps, je ne veux pas que les gens me mettent des likes juste parce que je suis en mini short ». Pour Federica, il est primordial de rester authentique. « Je ne suis pas là pour vendre mon image, je suis là pour montrer ce que je fais en montagne ». Elle préfère laisser ses actions parler d'elles-mêmes : « Je veux que les gens me suivent pour ce que je fais, ce que je dis, pour mes actes ».
Federica Mingolla a tiré des leçons précieuses de ses années de compétition. Celles-ci lui ont permis de comprendre ce qu’elle veut vraiment, mais aussi ce qu’elle refuse catégoriquement. « Je préfère affronter les difficultés plutôt que de devoir trahir qui je suis vraiment. Et si ça doit un jour impliquer de repartir de zéro, je n'hésiterais pas ». Aujourd'hui, la grimpeuse italienne avance avec une vision claire de comment elle souhaite évoluer dans ce monde. Que ce soit face aux exigences de la montagne ou aux tentations de notre époque, Federica trace un chemin guidé par l’authenticité et le respect de soi.