Everest : la montagne aux mille prix, entre rêve et désillusion
Le mont Everest, toit du monde, incarne le rêve ultime pour des milliers d’alpinistes chaque année. Mais ce rêve a un coût. Une vidéo publiée par Business Insider, intitulée "Why Climbing Mount Everest Is So Expensive", dévoile les dessous de cette montagne mythique et explique pourquoi gravir ses 8 849 mètres est si onéreux. Entre les dépenses colossales des grimpeurs, les risques encourus par les guides, et l’impact écologique croissant, l’Everest est devenu le symbole d’un paradoxe moderne : un rêve accessible à ceux qui peuvent se l’offrir, mais au prix d’une exploitation humaine et environnementale. Alors, pourquoi l’ascension coûte-t-elle si cher ? Et au vu des dangers, le prix est-il suffisant ?
Les guides Sherpas : des piliers sous pression
La vidéo explique que les guides, généralement des Sherpas, jouent un rôle vital dans la réussite des expéditions. Ces habitants des montagnes de l’Himalaya, issus d’un groupe ethnique acclimaté aux hautes altitudes, sont le cœur et l’âme des ascensions. Leur tissu musculaire utilise l’oxygène plus efficacement, ce qui leur permet de supporter des charges jusqu’à trois fois supérieures à celles des alpinistes occidentaux.
Leur rôle commence avant même que les grimpeurs ne mettent un pied sur la montagne. Ces guides sécurisent les itinéraires, notamment dans des zones périlleuses comme la cascade de glace du Khumbu. En 2023, trois Sherpas ont trouvé la mort dans cette section, un rappel brutal des dangers inhérents à leur métier. Chaque année, les « docteurs de glace » installent des échelles et des cordes, traçant un chemin temporaire sur un terrain mouvant. Pourtant, cette tâche essentielle ne leur rapporte qu’environ 600 dollars par expédition.
Pour Furwa Wangdu, un guide chevronné qui a atteint le sommet 14 fois, chaque ascension est précédée d’une cérémonie Puja. Ce rituel spirituel vise à honorer la montagne et à protéger l’équipe. Malgré son expérience impressionnante, Furwa insiste sur la prudence.
« Je ne sous-estime jamais la montagne. »
Cette humilité semble nécessaire, surtout dans une saison comme celle de 2023, la plus meurtrière jamais enregistrée, où 18 personnes ont perdu la vie, dont six Sherpas.
Les guides gagnent en moyenne entre 4 000 et 10 000 dollars par saison, selon leur expérience, mais ces revenus cachent des coûts élevés. Comme l’indique la vidéo, leur équipement – bottes, vêtements, sacs à dos – peut atteindre 7 000 dollars, sans compter les renouvellements réguliers. Les risques et les coûts amènent certains à abandonner cette carrière, d’autres à se demander : « Est-ce que tout cela en vaut vraiment la peine ? »
L’explosion du tourisme et ses dérives
Dans les années 1990, l’Everest est passé d’une destination pour explorateurs chevronnés à une attraction touristique très commercialisée. Selon la vidéo, la première expédition commerciale a eu lieu en 1992, ouvrant la voie à une croissance exponentielle. En 2023, 478 permis ont été délivrés par le gouvernement népalais, générant des revenus considérables pour le pays. Certaines agences, comme Adventure Consultants, proposent des forfaits « tout inclus » à 73 000 dollars, couvrant les guides, les médecins, les repas et des tentes individuelles au camp de base.
Cependant, cette popularité a un coût écologique. Chaque grimpeur génère environ 8 kg de déchets lors de l’expédition, ce qui s’ajoute aux 50 tonnes de détritus déjà présents sur les pentes de la montagne. Le programme « Carry Me Back », mentionné dans la vidéo, vise à encourager les grimpeurs à redescendre un kilo de déchets chacun. Mais malgré ces efforts, la montagne reste submergée par les détritus.
Plus inquiétant encore, le réchauffement climatique accélère la fonte des glaciers, exposant non seulement des déchets enfouis, mais aussi les corps de grimpeurs disparus depuis des décennies. Selon la vidéo, retirer un seul corps peut coûter jusqu’à 70 000 dollars, une opération périlleuse nécessitant une logistique complexe. Ces scènes macabres ne dissuadent pourtant pas les grimpeurs, de plus en plus nombreux chaque année.
Les porteurs : les héros invisibles de l’Everest
Derrière chaque expédition se cache le travail souvent méconnu des porteurs. La vidéo met en lumière ces travailleurs essentiels, qui transportent le matériel et les provisions sur des distances dépassant parfois 100 kilomètres. Sous les lois népalaises, les porteurs ne devraient pas porter plus de 30 kilos, mais cette règle est souvent ignorée. Certains porteurs, comme Shashant, un jeune homme de 18 ans interviewé dans la vidéo, portent des charges équivalentes à leur propre poids.
Shashant gagne environ 12 dollars par jour. « Je dois économiser la moitié pour m’en sortir », confie-t-il. Après plusieurs jours d’efforts, il trouve un moment de répit dans une tea house, ces auberges rudimentaires où les porteurs logent. Ces lieux, bien que modestes, offrent un rare espace de camaraderie.
La gestion de ces auberges est une autre facette peu connue du tourisme sur l’Everest. Shiva, un gérant interviewé, explique que chaque sac de riz coûte 60 dollars à transporter jusqu’à ces altitudes. Ces coûts astronomiques se reflètent dans les prix des repas, où un simple bol de nouilles coûte dix fois plus cher qu’en plaine. Pourtant, même avec ces prix, Shiva peine à maintenir son activité.
« C’est dur, mais cela me permet de soutenir ma famille et d’envoyer mes enfants à l’école. »
Un équilibre économique fragile
La vidéo explore également les tensions économiques créées par le tourisme. Mingma Nira, directeur de l’Himalayan Trust, souligne que les profits générés par l’Everest ne bénéficient pas toujours aux communautés locales. Une grande partie des revenus revient aux agences internationales, laissant les habitants dépendre de revenus modestes issus de l’hôtellerie, de l’agriculture ou du transport.
Pour tenter de mieux redistribuer les richesses, le Népal prévoit d’augmenter le coût des permis pour les étrangers à 11 500 dollars en 2025. Cette mesure vise également à financer des initiatives écologiques, comme celles du Sagarmatha Pollution Control Committee (SPCC), une ONG locale. Le SPCC a notamment mis en place un système de gestion des déchets, collectant, triant et transportant les détritus jusqu’aux centres de recyclage.
Un avenir incertain pour le toit du monde
L’avenir de l’Everest semble de plus en plus incertain. Les effets du changement climatique, combinés à la surfréquentation, menacent l’écosystème fragile de la région. La fonte rapide des glaciers a déjà révélé des niveaux préoccupants de microplastiques et de produits chimiques dans les eaux de l’Himalaya, une ressource vitale pour des millions de personnes.
La vidéo conclut sur une note mitigée : alors que certains, comme Furwa Wangdu, rêvent d’un futur loin des pentes dangereuses, d’autres, comme Shashant, espèrent trouver un meilleur avenir grâce à l’Everest. Quoi qu’il en soit, préserver la montagne nécessitera des efforts collectifs, au-delà des frontières et des intérêts individuels.