MONOLITHE : l’escalade urbaine, version roche brute
L’escalade en ville, mais sans plastique ni résine. C’est l’idée, toute simple mais terriblement audacieuse, de MONOLITHE, une startup lorraine qui veut remettre du minéral dans nos vies citadines. Pendant que les salles privées se multiplient et transforment la grimpe en produit de consommation, MONOLITHE choisit de ramener la nature en plein cœur des villes, sans barrières, sans abonnement, sans mur d’OSB qui sent le neuf. Juste des blocs de roche, du vrai, posés dans l’espace public.

Le projet a déjà commencé à faire du bruit, attirant à la fois les institutions publiques, les promoteurs et des figures de l’escalade comme Mickaël Mawem, champion du monde de bloc 2023, qui voit en MONOLITHE une vraie alternative pour diversifier la pratique. Mais est-ce que l’idée est viable ? Peut-on vraiment concilier ville et nature sans dénaturer l’une ou l’autre ? On est allés voir ce qu’il y avait derrière ces monolithes urbains.
Repartir de la roche : un manifeste contre la grimpe en boîte
L’histoire de MONOLITHE commence en Lorraine, entre Nancy et Metz, là où l’urbanisation progresse sans faire trop de vagues, mais où les infrastructures sportives peinent à suivre le rythme. Théau Réveille et Victor Jacquet, les deux co-fondateurs, se connaissent depuis la crèche. Ils ont grandi ensemble, sont tombés dans l’escalade à Majorque (oui, ça pose une enfance), et ont fini par monter leur boîte en décembre 2023.
Leur constat : l’escalade en salle a explosé, avec plus de 300 salles privées en France, soit trois fois plus qu’il y a 15 ans. Un boom alimenté par l’entrée de la discipline aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021, puis par son doublement aux JO de Paris 2024. Mais derrière ce succès, une réalité moins reluisante :
Un impact environnemental déplorable, avec 7 millions de prises d’escalade jetées chaque année en Europe, dont 80% non recyclables.
Des coûts d’accès élevés, avec des entrées qui flirtent avec les 15 € la session en moyenne.
Une artificialisation croissante, qui éloigne les grimpeurs du contact avec la roche et du geste naturel.
MONOLITHE refuse cette tendance. Plutôt que d’empiler des panneaux de bois et des prises en plastique, la startup propose des blocs de carrière réutilisés, taillés et installés dans des lieux urbains. Pas de prises, pas de murs, pas de toits, juste de la roche et un sol amortissant pour éviter les réceptions trop brutales.
L’objectif ? Reconnecter la ville avec la nature, tout en offrant une escalade gratuite et accessible à tous, sans les contraintes des salles privées.

Un défi logistique à la hauteur
Installer des monolithes en ville, ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Chaque bloc pèse entre 20 et 25 tonnes, une belle pièce à manipuler quand on doit la poser sur une dalle urbaine. MONOLITHE a donc dû relever plusieurs défis :
Le choix des roches : les blocs sont sélectionnés parmi les déchets de carrière, évitant ainsi l’extraction supplémentaire et l’impact carbone associé.
Le transport et l’installation : déplacer une masse pareille en zone urbaine, ça se pense. MONOLITHE travaille avec des bureaux d’études pour assurer la stabilité des structures et leur conformité aux normes de sécurité des aires de jeux (EN1176) et SAE (NF EN 12572-2).
L’ouverture des parcours : ce ne sont pas juste des cailloux posés au hasard. Des grimpeurs professionnels collaborent avec MONOLITHE pour tailler des blocs et proposer des lignes cohérentes, adaptées à différents niveaux.
Le premier prototype a été installé à Bliiida, l’incubateur messin dédié aux innovations urbaines. Une phase de test grandeur nature qui a permis d’ajuster certains détails et de séduire les premières collectivités locales.
Un modèle taillé pour séduire les villes
Car ce sont bien les municipalités et les aménageurs urbains qui sont la cible principale de MONOLITHE. Avec l’explosion des infrastructures sportives publiques et l’évolution des normes environnementales, les villes cherchent des alternatives aux équipements classiques, souvent coûteux en entretien et peu durables.
Les arguments de MONOLITHE ?
Pas d’abonnement, pas de gestion privée, ce qui en fait un projet attractif pour les villes qui veulent encourager le sport en libre accès.
Un coût maîtrisé, avec une estimation de 50 000 à 100 000 € HT pour une installation de 1 à 3 monolithes et leurs parcours associés.
Une intégration paysagère qui s’aligne sur les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance), désormais prioritaires dans l’urbanisme.
Et ça fonctionne : Plusieurs projets en Lorraine et au Luxembourg sont déjà en discussion avec MONOLITHE pour installer des infrastructures définitives sur leurs territoires. D’autres villes, comme Pau, ont déjà intégré des structures d’escalade en libre accès dans leurs aménagements publics, preuve que la tendance prend de l’ampleur.
Vers une escalade plus libre et plus durable ?
Le projet MONOLITHE s’inscrit dans une transformation plus large du paysage de l’escalade. Alors que les salles privées tendent à standardiser les expériences, des alternatives émergent pour remettre la roche au cœur de la pratique.
L’impact environnemental reste l’un des arguments les plus forts : une étude réalisée sur l’empreinte carbone des SAE (Salles d’Escalade Artificielles) montre que les infrastructures en intérieur ont un impact 7 fois supérieur à celles en extérieur (source : Agence Internationale de l'Énergie).
En proposant une alternative sans entretien, avec une durée de vie quasi infinie, MONOLITHE pourrait bien séduire un public en quête d’authenticité. Reste à voir si le modèle économique tiendra la route à long terme, et si les villes oseront suivre cette voie plutôt que de continuer à investir dans des infrastructures classiques.

L’avenir de MONOLITHE : entre tests et développement
L’entreprise a de grandes ambitions pour 2026 :
Six projets vendus, dont quatre livrés.
Un salarié recruté pour structurer l’entreprise.
Une présence renforcée dans les événements urbains, avec une participation au ChangeNow 2025, le sommet de l’innovation durable au Grand Palais.
L’appui de figures comme Mickaël Mawem ajoute une caution sportive au projet, et pourrait bien faire bouger les lignes auprès des décideurs.
MONOLITHE veut prouver qu’il est possible de pratiquer l’escalade en ville sans artificialiser davantage l’espace urbain. Un pari audacieux, qui s’inscrit dans une dynamique globale de reconnexion à la nature et de réappropriation de l’espace public par le sport.
Alors, future révolution urbaine ou simple caillou dans la mare ? Réponse dans les prochaines années.