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  • Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

L'escalade, un sport de gauche ?

Les récentes élections européennes ont mis en lumière la montée de l'extrême droite en France, suscitant de nombreuses réflexions sur l'état actuel de notre société et de ses valeurs. Cette situation nous pousse à explorer comment les dynamiques sociales influencent des domaines inattendus, comme l'escalade. Ce sport, en plein essor, porte en lui des symboles et des valeurs qui méritent d'être examinés à la lumière des évolutions politiques et sociétales.


Jim Bridwell
© Jim Bridwell

Il y a quelque chose de profondément symbolique dans l'acte de grimper. Se hisser vers le haut, surmonter les obstacles, et chercher constamment un point d'appui sont autant de métaphores de la vie. Alors que l'escalade gagne en popularité comme sport mondial, une question curieuse se pose souvent parmi les grimpeuses et grimpeurs : "Est-ce que l'escalade est un sport de gauche ?".


Des racines rebelles et une rébellion silencieuse


L'alpinisme, ancêtre de l'escalade, était initialement réservé à une élite, évoquant une "colonisation des sommets". L'escalade, en revanche, a brisé ces chaînes en offrant une expérience plus accessible et moins dangereuse. Après la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de gauche, notamment communistes via la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail), ont promu l'escalade comme un sport du peuple. En 1955, le premier mur d'escalade artificiel fut inauguré lors de la fête de l'Humanité, ouvrant la voie à l'installation de murs dans diverses institutions et écoles.


FSGT
Slide extrait de la présentation de la FSGT pour leurs formations fédérales

Dans les années 70 et 80, grimper prenait une dimension de rébellion. Jeanne, rencontrée lors de notre dernier micro-trottoir dans une salle d'escalade parisienne, se souvient de cette époque :


"C'était considéré comme un sport de baba cool, on grimpait en grande partie pour vivre en marge de la société."

Démocratisation, urbanisation et élitisation


L'essor des salles d'escalade urbaines a redéfini ce sport. Il est passé d'un mode de vie en harmonie avec la nature à une activité prisée par les citadins pour maintenir leur forme. Dans les vestiaires, les discussions tournent autour de la récente levée de fonds de telle startup en vogue, d'un collègue récemment promu manager, etc. Les gérants de ces salles, de plus en plus souvent des diplômés de grandes écoles de commerce, symbolisent cette transformation.


La médiatisation croissante des compétitions a aussi introduit une quête de performance : il ne suffit plus de grimper, il faut exceller. Les vidéos d'athlètes d'élite réussissant à passer telle ou telle cotation abondent sur YouTube. Parfois même au prix de la santé, on se rappelle notamment de l'été dernier où Janja Garnbret, la compétitrice d'escalade qui a gagné le plus de titres mondiaux, a brisé le silence sur les troubles alimentaires dans l'escalade.


Janja Garnbret
© Janja Garnbret

Cette évolution rappelle les débuts de l'alpinisme : une recherche de l'excellence doublée d'un repli élitiste. L'urbanisation de l'escalade, avec la multiplication des salles dans des zones gentrifiées, mène à une privatisation et une élitisation du sport, reflet d'une certaine libéralisation.


Un sport de plus en plus élitisé ?


Lors de notre dernier micro-trottoir, de nombreux pratiquants ont souligné que, malgré ses racines et les valeurs qu'elle véhicule, l'escalade est perçue par certains comme de plus en plus alignée avec des valeurs de droite. En effet, l'accès à ce sport peut être coûteux, entre les abonnements aux salles, l'équipement spécialisé et les stages de formation. La médiatisation et l'intérêt croissant des sociétés pour ce marché en expansion ajoutent à cette perception. Les compétitions, et l'intégration de l'escalade aux Jeux Olympiques, ont contribué à cette transformation, éloignant l'escalade de ses valeurs originelles pour certains.


Retour aux valeurs fondamentales


L'escalade a-t-elle abandonné ses valeurs de gauche ? Pas nécessairement. Bien que son image ait évolué, il est possible qu'elle traverse en ce moment une phase de maturation. Les valeurs fondamentales - respect de la nature, solidarité, égalité des sexes - restent profondément ancrées. Des professionnel(le)s de la santé utilisent l'escalade comme outil thérapeutique, des grimpeuses militent pour l'égalité des genres, et des associations prônent une pratique plus durable.


Une réflexion de la société


L'escalade, comme toute activité humaine, reflète la société. Elle peut être un acte de rébellion, une forme d'expression ou un simple loisir. Mais une chose est sûre : à mesure que ce sport évolue, il continuera de refléter les tensions, aspirations et idéaux de notre époque. Finalement, la véritable question n'est peut-être pas de savoir si l'escalade est "de gauche" ou "de droite", mais de reconnaître et de célébrer sa capacité à susciter des discussions pertinentes sur notre identité collective.

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