Quand l’escalade sociale décroche : adieu « Women’s Climb Night » en Utah
Dans un État où le conservatisme grimpe plus vite que Paul Watson sur une voie chronométrée, une initiative inclusive vient de se prendre un plomb mémorable. Pendant cinq ans, l’Université d’État de l’Utah (USU) avait réussi un pari audacieux : faire des mardis soir un sanctuaire pour les femmes et les personnes non-binaires, avec les « Women’s Climb Night ». Ces soirées, où grimpeuses et débutantes trouvaient un espace bienveillant pour apprivoiser un mur souvent perçu comme hostile, viennent d’être rayées de la carte. Non pas parce qu’elles n’avaient pas de succès ou de financement, mais parce qu’un texte de loi, aussi sournois qu’un pied glissant sur une dalle humide, a décidé de couper la corde.
Bienvenue dans le monde merveilleux de la HB261, une législation qui se vend comme une grande promotrice d’égalité, mais dont la seule prise consiste à interdire les programmes basés sur des critères démographiques spécifiques. Une loi qui préfère visiblement raser toute initiative d’équité au lieu de viser les vraies inégalités.
Un espace d’émancipation dynamité
Créées par Jill Woodhouse, ancienne étudiante de l’USU, les soirées « Women’s Climb Night » rassemblaient chaque semaine entre 15 et 35 participantes. Ici, pas besoin de prendre sur soi et de subir les regards condescendants des grimpeurs chevronnés : tout était pensé pour offrir un cocon de bienveillance, où progression rimait avec encouragement.
Ces soirées n’étaient pas qu’un simple rendez-vous sportif. Elles servaient de tremplin, une initiative bienvenue pour celles qui n’auraient jamais osé s’aventurer seules dans l’univers de l’escalade. On y tombait, on y riait, et surtout, on y revenait. Mais voilà, la HB261, entrée en vigueur en juillet 2024, a tout balayé. Ironiquement surnommée « Equal Opportunity Initiatives », cette loi n’a d’égalitaire que le nom.
Les clubs étudiants : une mauvaise prise
Pour se donner bonne conscience, l’USU propose de rediriger les grimpeuses vers des clubs étudiants. Sur le papier, l’idée semble presque séduisante : autonomie, initiatives locales… Mais dans les faits, c’est un peu comme proposer un baudrier sans point d'encordement : ça ne tient pas.
Ces clubs manquent cruellement de ressources. Pas d’équipement fourni, pas de créneaux dédiés, et encore moins de personnel qualifié pour encadrer les sessions. Autrement dit, tout ce qui faisait la force des soirées « Women’s Climb Night » a été soigneusement éliminé. Et ce n’est pas tout : pour rejoindre un club, il faut déjà être intégré dans le milieu, comprendre ses codes. Or, ces soirées étaient précisément là pour celles qui n’avaient pas encore franchi ce cap.
L’éternel retour du conservatisme
En s’attaquant à des initiatives qui marchent, la HB261 révèle une chose : l’Utah a un don pour escalader les mauvais combats. Car pendant qu’on s’acharne à supprimer des programmes inclusifs, des problèmes continuent de pourrir au pied des murs.
L’écart salarial entre hommes et femmes ? L’un des pires des États-Unis. Les défis environnementaux ? Salt Lake City suffoque littéralement. Mais plutôt que de s’y attaquer, les législateurs préfèrent concentrer leurs efforts sur des soirées qui accueillaient à peine quelques dizaines de personnes par semaine. Un choix qui n’a de logique que politique.
Caroline Gleich, militante et athlète engagée, n’a pas mâché ses mots en dénonçant ce décalage grotesque : « Cette loi détourne l’attention des vrais problèmes de l’État. » Et derrière ce discours, une vérité amère : la diversité n’est pas seulement oubliée, elle est activement combattue.
L’escalade face à son mur
Le site Climbing.com rappelle que la suppression des « Women’s Climb Night » n’est que la partie visible d’un iceberg bien plus large. D’autres programmes inclusifs, comme les sorties en extérieur réservées à des groupes spécifiques, ont également été annulés. Ces initiatives, pourtant, jouaient un rôle crucial pour rendre l’escalade accessible à des publics souvent marginalisés.
À l’USU, le sentiment de perte est palpable. Les grimpeuses, qui trouvaient dans ces soirées un espace pour grandir et se surpasser, se retrouvent soudainement privées de ce refuge. Beaucoup évoquent la peur que ces suppressions découragent de nouvelles venues, qui pourraient désormais voir l’escalade comme un univers élitiste, fermé, et intimidant.
Un sport en déséquilibre
Derrière cette polémique se cache une question plus large : comment maintenir des espaces inclusifs dans un contexte où l’égalité est réduite à un slogan vide de sens ? L’escalade, en pleine explosion de popularité, a l’opportunité de devenir un sport accessible et diversifié. Mais en Utah, cette vision semble malheureusement s’éloigner.
Et maintenant ? Beaucoup craignent que cette suppression laisse un vide, un trou béant dans la paroi sociale de l’escalade. Car ces soirées ne se contentaient pas d’apprendre à grimper : elles apprenaient à appartenir. Et sans cet ancrage, l’avenir de l’inclusivité dans le sport reste, lui aussi, en suspens.
Sources :
Climbing.com, « A weekly sanctuary for aspiring women and nonbinary climbers at Utah State University (USU) vanished last week ».
Escalade Quebec, « Les soirées de grimpes féminines bannies en Utah ».