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  • Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Débat : Un manifeste pour des noms de voies plus respectueux et inclusifs

Le débat sur les noms donnés aux voies d'escalade, sujet éternellement controversé, est actuellement ravivé par une initiative espagnole particulièrement fervente. Il y a peu, un club a interpellé la communauté des équipeurs, dans l'espoir d'aligner les noms des voies sur les valeurs de l'inclusion et de l'esprit sportif. Cette démarche, présentée par le magazine spécialisé Desnivel, a suscité un florilège de réactions et une réponse cinglante de la part d'un écrivain grimpeur espagnol notoirement opposé à cette approche.


Noms voies escalade
© Pierre-Gaël Pasquiou - Vertige Media

Il est de notoriété publique que l'on croise, au détour des parois, des voies aux intitulés parfois choquants – teintés de racisme, de sexisme, d'homophobie, d'allusions sexuelles ou de références à la drogue ou à la violence. Ces appellations controversées, héritées d'un autre temps mais aussi parfois issues de créations plus récentes, sont aujourd'hui scrutées avec une attention renouvelée.


Le club Inclube Compostela a entrepris une vaste consultation auprès des équipeurs du pays qui, en grande majorité, plaident en faveur d'une éradication de ces noms inappropriés sur les sites d'escalade. Dans cette logique, une initiative a été mise en place pour élaborer un manifeste prônant l'adoption de noms respectueux pour les voies d'escalade espagnoles, visant à obtenir le soutien non seulement de la communauté, mais aussi des clubs et des fédérations.


La perspective de moderniser et de rendre plus inclusive une pratique ancrée dans des traditions bien établies ne fait pas l'unanimité. Ce weekend, Gonzalo Pernas, grimpeur et écrivain espagnol, a publié sur le site Internet du magazine Desnivel son point de vue sur la question. Nous partageons ici quelques extraits significatifs de son intervention :


"La montagne, dernier bastion de notre liberté, ne saurait être le théâtre de la culture de l'annulation qui cherche à réécrire notre histoire. Les noms des voies, véritables œuvres littéraires autonomes, n'ont que faire d'un guide stylistique imposé par des forces extérieures. Nous n'avons nul besoin d'idéologie (...). Il est inenvisageable d'exiger une réécriture politiquement correcte de notre histoire, tout comme il serait absurde de 'décoloniser' le Musée du Prado ou de remanier des chansons rock qui ont mal vieilli. La censure, sous couvert de progressisme, n'a pas sa place ici (...)."

Pour Pernas, la question ne se limite donc pas à respecter l'égalité, mais touche au cœur même de la liberté. C'est un débat courant qui demande tout de même une certaine perspective. En effet, il semble légitime de questionner le fait que certains noms de voies puissent heurter une partie de la communauté, une réalité qui pourrait d'ailleurs être discutée d'un point de vue purement légal.


Le manifeste encore en gestation par le club Inclube Compostela, louable dans son ambition, soulève donc de multiples questions. A commencer par savoir si cela implique de rebaptiser des voies déjà ouvertes ou si cela ne concernerait que les nouvelles.


Face à différents retours de nos lectrices et lecteurs qui nous incitent à prendre position dans le cadre de la rédaction de ce type d'article, nous partageons avec vous notre point de vue. Selon nous, l'héritage traditionnel de l'escalade peut être vu comme une valise que nous avons le devoir de remplir avec soin, génération après génération.


Il nous semble impensable que le fait de blesser nos pairs soit un élément que l'on puisse considérer comme faisant partie de notre tradition commune. D'autant plus qu'il est indéniable que nos principes en matière d'inclusion ont évolué et qu'il est légitime que cela se reflète dans les noms des nouvelles voies.


Quant aux voies du passé, la question se corse ; elle est empreinte de complexité et appelle une réflexion nuancée. D'une part, notre cœur nous rappelle que ces noms font partie de notre histoire, et que même en désaccord avec les idées qu'ils peuvent véhiculer, effacer ces noms serait comme nier notre progression sur ces enjeux. D'autre part, notre raison souligne l'embarras de léguer un tel héritage aux générations futures, il n'est pas rare que nous soyons soulagés que nos enfants ne sachent pas encore lire lorsque nous les emmenons grimper au pied de certaines falaises. Et cela concerne qu'une partie des dénominations, il y a en d'autres pour lesquelles notre avis est beaucoup plus tranché. Rappelons que dans les environs de Stockholm, on trouve des itinéraires tels que « Un petit Hitler », « Troisième Reich » ou encore « Zyklon » (Zyklon-B, gaz associé à la Shoah)... point Godwin.


Il est donc essentiel de mûrir cette réflexion, ce que font précisément les porteurs de ce projet en ouvrant un formulaire en ligne. Cette initiative invite chacun à partager son opinion, afin d'élaborer un manifeste qui reflète véritablement les aspirations de notre communauté. Une démarche empreinte de respect mutuel et d'égalité, en parfaite résonance avec l'essence même du débat soulevé.

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