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Keqiao 2025 : Anraku plane, les Français restent à quai

Ce week-end à Keqiao, Sorato Anraku a fait exactement ce qu’on attendait de lui : dominer les débats avec une facilité presque agaçante. Derrière lui, le trio français Schalck-Avezou-Jenft confirme que le talent ne manque pas côté hexagonal, mais que transformer ce talent en podium reste une affaire de détails – et de nerfs solides. Retour en profondeur sur une étape où les absents ont eu le bon goût de ne pas trop monopoliser les discussions.


Sorato Anraku Keqiao IFSC 2025
© IFSC

Anraku-Lee : un duel au sommet, au sens propre comme figuré


Sorato Anraku a décidé d’ouvrir la saison en rappelant à tout le monde que sa médaille olympique n’était pas une anomalie statistique. En finale, il empoche 99,7 points, laissant Dohyun Lee à 0,4 point seulement. Le Japonais affiche un calme olympien (c’est le cas de le dire), tandis que Dohyun Lee peut s’en vouloir d’avoir raté quelques essais de trop.


Meichi Narasaki complète un podium asiatique sans grande originalité, mais qui rappelle tout de même cette statistique implacable : depuis presque une décennie, le circuit de bloc est dominé par l’Asie. Japonais et Sud-Coréens se passent le relais avec une régularité presque méthodique. On se croirait face à une mécanique parfaitement huilée : quand un champion baisse en régime, un autre surgit aussitôt, tout aussi affûté. Il y a là quelque chose de fascinant autant qu’irritant pour le reste du monde.


La recette japonaise : plus qu’une méthode, une obsession


Le Japon n’a pas attendu Sorato Anraku pour écrire sa légende : Tomoa Narasaki, Yoshiyuki Ogata, et même Meichi Narasaki (le petit frère qui sort de l'ombre de son aîné en lui soufflant la médaille) sont là pour rappeler que le talent n’est rien sans travail. Le secret japonais ? Des salles d'entraînement au plafond bas mais aux exigences très hautes, où se façonnent des grimpeurs techniques, créatifs et imperturbables. Le moindre millimètre de prise y est scruté, disséqué, maitrisé. Une vraie leçon de minimalisme nippon : faire mieux avec moins – moins d’espace, moins de prises, moins d’erreurs.


La Corée du Sud n’est pas en reste, portée par un Dohyun Lee impeccable à Keqiao, qui paie ici au prix fort quelques hésitations coûteuses. Lee avait pourtant dominé toutes les phases précédentes de la compétition. On serait tenté de le plaindre, mais on se doute que sa revanche se déguste déjà froide pour les prochaines étapes.


Anraku-Lee IFSC Keqiao
© IFSC

Le trio français : proches du podium, loin de l’abattement


Côté français, on repart de cette première étape chinoise sans médaille mais avec de solides motifs d’espoir. Sam Avezou et Paul Jenft étaient aux Jeux Olympiques de Paris 2024 : autant dire qu'ils ne découvrent pas la pression internationale. Cette fois, c’est Mejdi Schalck qui mène le peloton bleu, à égalité parfaite de points avec Sam Avezou en finale. Pas mal, mais « pas mal », ça ne fait pas une Marseillaise. Paul Jenft ferme la marche de ce trio avec un courage remarqué, même s’il manque encore de cette pointe de réussite qui transforme les beaux gestes en grandes victoires.


En regardant ces Français grimper ensemble, on sent quelque chose se construire : une émulation collective qui pourrait, à terme, renverser l’ordre établi. À condition bien sûr de régler quelques détails techniques, mais surtout de réussir à conjuguer au présent ce futur qu’on leur promet depuis déjà l'an dernier.


Nouveau format, nouveaux visages : huit, ça suffit ou ça disperse ?


La finale à huit grimpeurs (contre six auparavant) faisait sa grande première à Keqiao. Verdict ? Les athlètes valident la démarche, les spectateurs hésitent encore un peu. Deux finalistes supplémentaires, c’est davantage de suspense et de spectacle, mais c’est aussi un peu plus de confusion dans les classements intermédiaires. Mention spéciale toutefois à l’Israélien Oren Prihed, invité surprise de cette finale élargie, venu découvrir la pression mondiale avec une étonnante décontraction.


On attend les prochaines étapes pour trancher définitivement sur l’intérêt sportif de cette formule élargie, mais le pari d'ouvrir les finales à de nouveaux visages semble déjà réussi.


Toby Roberts, ou comment tomber de son piédestal en beauté


On s’en voudrait de ne pas mentionner l’étrange contre-performance de Toby Roberts, récent champion olympique 2024, éliminé dès les qualifications. Après avoir longuement discuté des absences féminines dans l’épreuve des femmes, reconnaissons humblement qu'être présent sur la ligne de départ ne garantit pas d'être là à l’arrivée. Toby Roberts en a fait l’amère expérience à Keqiao : être titré aux Jeux ne protège pas d’un faux pas, surtout quand la concurrence mord les prises avec autant d’envie.


Même constat pour Colin Duffy, passé à côté de sa compétition, rappelant que la frontière entre exploit et échec reste particulièrement mince en escalade de compétition.


Concernant Adam Ondra et Jakob Schubert, leur absence à Keqiao semble s'inscrire dans une stratégie visant plutôt les compétitions de difficulté. Le conditionnel reste de mise en attendant de connaître leur calendrier définitif, mais leur choix n'aurait rien d’étonnant, tant ces grimpeurs mythiques maîtrisent l’art subtil du dosage des efforts.


Wujiang en perspective : changer de prise, changer de rythme


Prochain arrêt : Wujiang, du 25 au 27 avril. Changement radical de discipline, puisque les grimpeurs s’attaqueront désormais à la difficulté et à la vitesse. Sorato Anraku devra prouver qu’il sait grimper haut aussi bien que court, Lee Dohyun aura une revanche à prendre, et les Français une médaille à chercher.


Keqiao aura donc posé clairement les bases de cette saison 2025 : domination asiatique persistante, talent français frustrant mais prometteur, et un nouveau format encore en rodage. Les absents, les présents, les favoris, les outsiders : tout ce beau monde sait désormais que rien n’est jamais acquis. Un petit détail peut suffire à vous expédier hors course ou au sommet du podium.


En escalade, comme souvent dans la vie, c’est sur le fil que tout se joue. À bon entendeur.


Les résultats détaillés et classement de cette étape sont disponibles ici. Et pour retrouver le calendrier complet de cette coupe du monde IFSC 2025 c'est par là.

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