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Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Championnats du Monde d’escalade à Berne : le gouffre financier

À l'été 2023, les Championnats du Monde d’escalade ont transformé la capitale suisse en une scène sportive internationale. Une fête pour les amoureux de la grimpe, mais une sacrée gueule de bois pour ses organisateurs. La radio suisse alémanique SRF a été la première à lever le voile sur cet épineux déficit, bientôt relayé par d'autres médias. Derrière les cris d’encouragement et les applaudissements, un gouffre financier qui fait tâche dans l’album photo de l’escalade suisse s’est immiscée : un trou financier de 1,8 million d’euros. Que s’est-il passé pour que le Club Alpin Suisse (CAS), pilier vénérable de la montagne, se retrouve à jongler avec un déficit aussi vertigineux ?


Berne 2023 escalade
© Lena Drapella / IFSC

Une organisation ébranlée par ses ambitions


Le CAS, organisateur en chef, n’avait pas vu venir l’ampleur de la tâche. Selon un rapport interne resté confidentiel, ce n’est pas une faute unique qui explique le fiasco, mais un chapelet d’erreurs. Selon les analyses relayées par SRF, le déficit serait dû à « une combinaison de mauvaises décisions et d’un manque de préparation à un événement de cette ampleur », une synthèse que certains attribuent à l’équipe dirigeante du CAS. Si les détails restent flous, quelques pistes émergent : une planification défaillante, des dépenses mal calibrées, et une gestion trop optimiste.


L’aspect financièrement toxique de l’événement a contraint le CAS à puiser dans ses réserves pour éponger la dette. Une manière de sauver les apparences sans demander à ses membres de passer à la caisse. Malgré tout, cet effort financier reste un coup dur pour une association qui joue traditionnellement les premiers de cordée.


Une leçon à tirer pour le CAS


Face à ce naufrage financier, le CAS n’a pas tardé à réagir. Une commission spéciale, mélange de sagesse alpine et de rigueur comptable, a été mise en place. Cette structure a épluché chaque ligne du bilan et proposé un plan d’action ambitieux : éviter à tout prix que l’histoire ne se répète.


Les premiers enseignements ont déjà été partagés avec les sections locales. Parmi les mesures envisagées, une meilleure répartition des responsabilités et une supervision renforcée de la gestion des événements. Mais cela suffira-t-il ? Selon les analyses relayées par la commission spéciale du CAS, il ne s’agit pas seulement de corriger les erreurs, mais aussi de redéfinir une approche pour mieux encadrer de tels événements.


Une montée en compétence nécessaire


Cet épisode montre à quel point l’organisation d’événements de haut niveau ne s’improvise pas. Même pour une institution aussi respectée que le CAS, le gouffre entre le rêve et la réalité peut s’avérer abyssal. Les compétences requises ne sont pas celles qu’on mobilise pour gérer un refuge ou baliser un sentier.


Pour certains observateurs, ce déficit révèle une forme de décalage culturel. Certains pointent que si le CAS excelle dans l’art de la montagne, il n’a pas encore intégré la dimension marketing et logistique nécessaire pour ces événements, un enjeu central pour l’avenir. La suite passera sans doute par des partenariats avec des acteurs spécialisés, capables de transformer une compétition en succès public et financier.


Berne 2025 : une revanche prudente


Malgré ce revers, le CAS ne se désengage pas totalement des compétitions internationales. En juin 2025, Berne accueillera une étape de la Coupe du Monde de bloc. Mais cette fois, le CAS jouera les conseillers dans l’ombre, laissant la lourde charge organisationnelle à des partenaires externes. Une stratégie qui ressemble à un repli tactique pour préserver son image et ses finances.


Pour Bernhard Aregger, directeur général du CAS, cet événement représente une occasion de redorer le blason de l’escalade suisse. Lors d’une déclaration relayée par SRF, il a souligné : « Nous voulons montrer que l’escalade peut continuer à grandir, sans pour autant sacrifier nos principes ». Ce qui, dans le langage feutré des institutions, ressemble à une manière polie de dire : plus jamais ça.


Une corde trop tendue


L’affaire de Berne 2023 est un électrochoc rappelant que la grandeur a un prix. Vouloir rivaliser avec les plus grands événements sportifs impose des compétences et des ressources que le CAS, avec ses bonnes intentions mais ses moyens limités, ne pouvait mobiliser.


Mais tout n’est pas perdu. Si cette déconvenue ébranle la confiance, elle ouvre également une opportunité : celle de construire une approche plus professionnelle, plus collégiale, et surtout, plus alignée sur les réalités du sport moderne. Pour le CAS, l’avenir s’écrira peut-être avec un peu moins de panache, mais avec beaucoup plus de pragmatisme.

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