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Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Carnet de voyage : l'ICE Climbing Ecrins - Jour 3

Comme chaque année depuis plus de 30 ans, l'ICE Climbing Ecrins est le point de ralliement des passionné(e)s d'escalade sur glace. Du 25 au 28 janvier, cet événement a attiré initiés et débutants, désireux de profiter de ce rendez-vous. Pierre-Gaël de Vertige Media a eu la chance de s'immerger dans cet univers pendant quatre jours, et vous propose de partager cette expérience à travers une série de quatre articles, un pour chaque jour. Cet article raconte la troisième journée à l'ICE, vous pouvez retrouver le premier et le second en cliquant sur les liens.


Piolets glace Ecrins ICE
Crédit : Arthur Delicque

Le troisième jour à l'ICE s'éveille sous le ciel de Freissinières, épicentre reconnu par les aficionados de l'escalade sur glace pour abriter la célèbre cascade de glace du Briançonnais. Ce vallon étendu sur 20 kilomètres sert de porte d'entrée majestueuse au parc national des Écrins. C'est également à cet endroit qu'une structure artificielle a été installée, sept murs de glace et un de dry, pour une hauteur de 12 à 16 mètres. Un projet qui a coûté 370 000 euros en partie financé par la commune, l'État, la Région Sud et le Département des Hautes-Alpes.


Pour moi, cette journée s'annonce comme une opportunité en or pour affiner ma technique d'escalade sur glace, avec un œil plus critique sur ma gestuelle. C'est également le moment idéal pour assister à la compétition orchestrée au même endroit par la FFCAM. Bien que l'enchantement brut de la nature soit moins prégnant que la veille, le panorama reste époustouflant. La paroi du jour, plus abrupte et aux prises nettement plus marquées, se prête parfaitement à une pratique technique et réfléchie, un terrain de jeu idéal pour se perfectionner.


Freissinières Ice Ecrins
Crédit : Vertige Media

Benjamin Ribeyre, guide de montagne que j'avais croisé la veille au village des marques, se propose pour m'assurer. Une occasion à ne pas manquer, compte tenu de son expertise je vais pouvoir me lancer dans des gestes plus engagés sans prendre de risque. À ma descente, je constate que Benjamin a suivi mon ascension avec l'attention particulière d'un guide. Évidemment.


"C'est pas mal, mais tu vas avoir besoin d'un peu de technique pour progresser, tu as les défauts classiques des grimpeurs sur rocher."

Là-dessus, il m'emmène à l'écart pour une séance de coaching personnalisée. Deux conseils majeurs ressortent : premièrement, l'efficacité de mon ancrage de piolet s'améliorerait en engageant l'ensemble de mon bras plutôt que de me fier seulement à mon coude ; deuxièmement, il est préférable de lever plus fréquemment mes pieds que mes bras, en privilégiant des pas plus courts. Armé de ces conseils, je m'attaque à une nouvelle ascension qui s'avère aussitôt moins aléatoire et nettement moins épuisante.


La compétition démarre, avec pour règle de grimper la paroi le plus rapidement possible tout en minimisant les coups de piolets. Un des premiers à relever le défi ne plante ses piolets que trois fois, utilisant ses mains sur la glace pour le reste de son ascension. Mon attention se détourne vers l'autre côté du mur où Antoine Lemenestrel anime un atelier peu conventionnel : grimper sans piolets et redescendre la paroi à l'envers. Intrigué, je décide de me prêter à cet exercice pour le moins original, rencontrant quelques difficultés évidentes.


Freissinières FFCAM
Crédit : Vertige Media
Freissinières Antoine Lemenestrel
Crédit : Vertige Media

Benjamin Ribeyre propose que nous entreprenions une via ferrata à proximité. Bien que l'idée de progresser le long de barres métalliques ancrées dans la montagne ne m'enthousiasme pas spécialement, la perspective de m'échapper de l'ombre froide de la vallée pour baigner dans la lumière du soleil et jouir de la vue d'en haut suffisent à me persuader de l'accompagner.


La vue du haut est effectivement à couper le souffle ; on distingue même la tour de Freissinières, épicentre de l'effervescence compétitive. C'est l'opportunité parfaite pour approfondir ma conversation avec Benjamin et découvrir davantage sur ce guide montagnard au parcours impressionnant. En redescendant, mon regard se pose sur quelques itinéraires d'escalade sportive, je me promets de revenir grimper ces parois avec les copains dès que l'occasion se présentera.


Freissinières ICE Climbing Via Ferrata
Crédit : Vertige Media

Le moment est venu de regagner le village des marques pour la soirée de clôture, l'opportunité aussi de converser avec Cathy Jolibert, l'éminente organisatrice de l'ICE. Réussir à garder le fil de l'échange s'avère toutefois difficile, tant elle est sollicitée par de nombreuses personnes désireuses de lui parler !


"Depuis 9 ans je m'occupe de l'ICE, c'est l'une de mes casquettes professionnelles, le reste du temps je suis consultante pour des entreprises. Je travaille sur leur stratégie de développement. Quand j'ai repris l'événement il n'y avait pas beaucoup d'inscrits, pas beaucoup de guides, pas beaucoup de femmes et une seule discipline proposée."

Effectivement, bien que mon attention ait été principalement captivée par le cœur même de l'ICE, l'escalade sur glace, l'événement attire également de nombreux participant(e)s vers une variété d'autres activités : danse sur glace, ski de randonnée, splitboard, vélo électrique et randonnée en raquettes.


"J'étais très contente que l'on vienne me chercher pour l'ICE. C'est un très bel événement à l'initiative des guides pour promouvoir la région. Il y a entre 500 et 600 participants sur les 3 jours, cette année on a vendu 90% des places dans les 2 premières heures de lancement des inscriptions."

Il est donc envisageable de voir cet événement gagner encore en ampleur dans le futur, mais je perçois également un défi lié à une taille critique imposée par la nature. C'est un point sur lequel je décide de questionner Cathy :


"Moi, je n'aime pas le mot 'taille critique', on est passé de 120 participants en 2015 à 500 il y a trois ans, mais on restera à 500 en effet. Notre objectif c'est déjà de réussir à maintenir cet événement parce que l'on a des baisses de subventions qui impliquent de revoir la stratégie économique de l'ICE : augmenter un peu le montant des places, faire participer un peu plus les partenaires, etc."

"Quand j'ai pris l'événement, il y avait 10% de femmes et surtout des grimpeurs d'un gros niveau. En diversifiant les activités l'idée c'était aussi de faire venir des personnes de différents horizons et de tous niveaux. En 2 ans, on a réussi ce pari et à atteindre la parité. Le fruit d'un travail qui vient également de la manière de communiquer, des visuels, etc. La FFCAM nous aide beaucoup dans ces objectifs."

Je l'interroge aussi sur les différents moyens déployés pour rendre l'ICE le plus facile d'accès à des personnes qui ne sont pas de la région.


"Il y a un train de nuit qui s'arrête dans la gare juste à côté, Joël Giraud (ancien maire de L'Argentière-la-Bessée et député) s'est beaucoup battu pour préserver ces trains et pour le développement sportif du territoire, pour sortir de la ville industrielle qu'était L'Argentière-la-Bessée. Et donc l'idée c'était justement de rendre cette ville accessible mais avec une mobilité douce."

Poursuivant notre échange, je découvre qu'au-delà de l'organisatrice engagée se cache une sensibilité similaire à celle d'Antoine Lemenestrel, surtout quand Cathy évoque les défis liés au changement climatique :


"Le monde change, il y a un changement climatique, le monde est en mouvement et je pense qu'il faut nous-même être en mouvement pour ne pas être dans une émotion négative ou dans la peur de regarder quelque chose en étant dénué de pouvoir. Rester dans le mouvement ça permet de ne pas être dans une émotion bloquante et donc d'être dans le flow et de s'adapter."

Bien que je ne sois pas tout à fait sûr d'avoir entièrement compris son message, il est clair que les répercussions du changement climatique constituent un défi majeur pour un événement centré sur la glace, un élément mis à rude épreuve par l'augmentation des températures en cette saison.


Naturellement, je lui pose la question des discussions actuelles concernant l'éventuelle inclusion de l'escalade sur glace aux Jeux Olympiques :


"Je ne fais pas de politique, et ça ne m'intéresse pas. Moi, ce que je veux, c'est que l'ICE garde un esprit de rassemblement, que des gens de la France entière puissent venir sans voiture ici et repartir avec des éléments de langage et des postures sur le milieu de la haute montagne, de la verticalité grâce à la transmission faite par les guides. C'est en faisant rencontrer des personnes qui vivent dans un milieu urbain et des guides comme il y en a ici que l'on favorise une connaissance et un engagement de chacun."

Solene Amoros
Crédit : FFME

Je laisse Cathy poursuivre son tourbillon d'activités parmi les stands, veillant au bon déroulement de l'ICE. De mon côté, je tombe sur Solène Amoros au stand de Black Diamond, une opportunité pour évoquer avec elle sa blessure récente et la web-série dédiée à ses interrogations et à sa convalescence, une histoire qui a déjà fait l'objet d'un article sur Vertige Media. Cette rencontre me fait prendre conscience de l'importante dépendance des athlètes vis-à-vis des marques, et combien il est précieux que ces dernières soutiennent des talents tels que Solène, même dans l'impossibilité de poursuivre leur discipline :


"Quand je me suis retrouvée en meeting avec Black Diamond avec mon genou en vrac, je me suis demandée comment ils allaient le prendre. Mon contrat avec eux venait juste de se terminer... Et en fait, ils ont été super emballés à l'idée de cette web-série 'Résilience' où je partage cette étape qui fait partie de la vie d'un sportif."

Je ne vous cache pas que personnellement, je suis sur un petit nuage. Discuter détendu avec Solène, une grimpeuse que j'ai jusqu'alors uniquement admirée à travers l'écran, sur des voies d'escalade d'un calibre bien au-delà de ce que la majorité peut envisager, c'est franchement exaltant.


Sur cette note de convivialité, je prends la direction du bar où j'aperçois Jean-François Mercier, mieux connu sous le pseudonyme de Jeff Mercier. Cet alpiniste, figure incontournable des réseaux sociaux, est connu par ses clichés extraordinaires d'escalade sur glace.


Jeff Mercier
Crédit : Matteo Meucci

Il revient sur l'histoire de l'ICE :


"La création de l'ICE c'était au moment des grosses années de la glace, il y en avait partout. D'ailleurs, on proposait uniquement ça comme activité. Bon, il y a eu des cartons, avec de la glace qui s'effondrait mais ça, ça ne doit pas arriver. C'est un événement super complexe et Cathy s'appuie sur un staff qui connaît très bien ces sujets et dont la priorité est d'offrir un événement sécurisé. C'est une très belle porte d'entrée à l'initiation, les guides qui sont là sont des passionnés de glace qui ont envie de communiquer ça aux gens."

Je souligne que si effectivement les guides sont des passionnés, j'ai eu l'impression que c'était également le cas des personnes représentant les marques sur les stands :


"Oui, et ils ont intérêt à l'être parce que les gens qui viennent peuvent avoir des questions pointues : l'affûtage des lames, la pointe avant, etc. Il faut que les gars connaissent vraiment leur truc. D'autant qu'il n'y a pas 10 événements comme ça dans la saison d'hiver."

"Des événements comme ça, il y en a eu plusieurs dans le monde dans le passé, mais avec le changement climatique, ils ont disparu les uns après les autres. Ils sont tous passés par une période où ils ont dû annuler une fois, puis deux, avant de devoir arrêter. L'ICE arrive à exister grâce à la diversification des activités proposées."

Je saisis l'occasion de poser à Jeff une question qui me trotte dans la tête depuis quelque temps. L'escalade sur glace, telle qu'elle est présentée en compétition, me semble s'éloigner sensiblement de ce que j'ai pu moi-même pratiquer. Si le matériel demeure identique, l'environnement, lui, diffère : des prises artificielles, du bois, mais curieusement, peu ou pas de glace.


"Ha bah oui, là on est dans un autre sport. Ils ont choisi cette appellation escalade sur glace comme ils appellent le ski alpinisme cette discipline qui consiste à remonter des pistes... Parce que c'est un nom plus vendeur. Et c'est vrai que le public ne comprend pas. Pour moi, c'est plutôt du dry tooling, d'ailleurs le champion du monde d'escalade sur glace si tu le mets sur de la glace, il a un niveau moyen."

La soirée s'illumine d'un feu d'artifice et vibre au rythme d'un concert dans la salle de l'amicale boule argentière. Je m'attarde un moment pour savourer l'atmosphère festive et me retrouve au cœur d'une situation qui me parait surréaliste : une participante en pleine négociation avec François Kern, pour obtenir du matériel Petzl. François me confie que ces démarches sont quotidiennes et que Petzl soutient activement de nombreuses associations. Mais l'heure avance, et il est temps pour moi de songer au repos. Si le village de l'ICE touche à sa fin ce soir, demain promet encore une journée riche en escalade sur glace.


L'article de la quatrième journée est accessible en cliquant juste ici.

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