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  • Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Carnet de voyage : l'ICE Climbing Ecrins - Jour 1

Comme chaque année depuis plus de 30 ans, l'ICE Climbing Ecrins est le point de ralliement des passionné(e)s d'escalade sur glace. Du 25 au 28 janvier, cet événement a attiré initiés et débutants, désireux de profiter de ce rendez-vous. Pierre-Gaël de Vertige Media a eu la chance de s'immerger dans cet univers pendant quatre jours, et vous propose de partager cette expérience à travers une série de quatre articles, un pour chaque jour.


Ice Ecrins 2024
Crédit : Jan Novak

Le 25 janvier, mon aventure commence avec mon arrivée à Grenoble, d'où je pars pour l'Argentière-La-Bessée. Ce n'est pas ma première visite dans cette commune riche en spots d'escalade, mais c'est la première fois que j'y viens pour pratiquer l'escalade sur glace. La route offre un spectacle magnifique sur les sommets enneigés.


Je me rends au Complexe Sportif du Quartz de l'Argentière, qui abrite le village des marques de l'ICE. Là, je suis accueilli par la roulotte du Worn Wear Tour de Patagonia et une yourte pour les massages post-escalade.


Worn Wear Tour Patagonia
Crédit : Vertige Media

Devant le gymnase, je rencontre un guide qui a l’air bien décidé à faire un brin de causette avec moi : 


"Moi c'est François, mais tout le monde m'appelle Babar."

François Lombard, alias "Babar", est un grimpeur chevronné : médaille d'or de la Coupe du monde d'escalade de 1994, médaille d'argent en 1991, médaille de bronze aux Championnats d'Europe d'escalade en 1996, gagnant du Rock Master Festival en 1995 et 1996. Il a également décroché la seconde place à la Coupe du Monde de Glace en 2001... Solide.


Il m'explique que ce lieu est un point central permettant d'accéder à de nombreuses cascades, à proximité des deux vallées emblématiques où il y a énormément de glace : la vallée du Fournel et celle de Freissinières, mais que cette année elles ne seront pas au programme pour des raisons de sécurité. C'est vrai que les températures sont étonnamment douces pour cette région à cette époque... Heureusement, de nombreux autres sites permettront tout de même à l'événement de se dérouler.


J'apprends que 1/3 des participants sont des habitués et que les autres viennent pour la première fois. Mais qu'une grosse moitié des personnes qui sont là connaissent déjà la pratique. On sera un peu plus de 500 personnes, c'est le plus gros événement pour l'escalade de glace.


"Il y a plein de petits rassemblements dans le monde, même au Canada, mais aucun de cette ampleur. Et souvent beaucoup plus élitiste, donc ça ne ressemble pas du tout à l'ICE. Et ici, c'est quand même une Mecque de la pratique, il y a une variété de sites dans un rayon de 1h de route qui est énorme, ce qui en fait un des sites majeurs au niveau mondial. Ici on retrouve des cascades qui peuvent aller jusqu'à 700 mètres de haut qui font rêver tous les glaciéristes expérimentés. Il n'y a pas beaucoup d'endroits sur la planète où l'on peut retrouver ça."

Complexe Sportif du Quartz
Crédit : Vertige Media

À l'intérieur du gymnase, je suis surpris par l'atmosphère conviviale et chaleureuse qui règne. J'ai plus la sensation de m'incruster à un évènement de quelques initiés qu'à un rassemblement de classe mondiale. Les doudounes couleurs flashy se promènent entre les stands de la petite dizaine de marques présentes. Ça rigole fort, ça s'embrasse, il est un peu difficile de distinguer les participants des professionnels des marques ou les guides tellement ce petit monde a l'air de bien se connaitre.


Je m’arrête devant le stand de Simond, je suis immédiatement accueilli par une spécialiste qui me guide à travers l'univers des vêtements techniques pour la haute montagne. Elle détaille chaque caractéristique : des carapaces robustes, des capuches conçues pour s'ajuster aux casques, des bas de manches s'articulant parfaitement avec les gants. Elle insiste aussi sur l'importance des coupes spécialement adaptées à l'escalade, facilitant l'accès au baudrier, et sur les renforts au bas des jambes, essentiels pour se protéger des potentiels coups de crampon. Je suis un peu perdu dans cette avalanche d’informations, mais il est clair que je suis face à une vraie passionnée.


Alors que mon interlocutrice est appelée ailleurs, une autre personne s'approche, une paire de piolets à la main. Il semble que la discussion va désormais se concentrer sur le matos.


"On a toujours proposé des crampons pour la cascade, mais les piolets on a arrêté il y a 8 ou 9 ans et on est revenu depuis l'hiver dernier avec un nouveau piolet. L'idée c'est d'avoir toute une panoplie de produits pour cette pratique et le dernier produit en date c'est la chaussure qui est arrivée il y a trois semaines. Maintenant, on équipe de la tête aux pieds les pratiquants d'escalade de glace."
"On est super heureux d'être là, c'est la première fois que l'on vient à l'ICE et donc on peut enfin être au contact des utilisateurs et échanger avec des gens comme toi. Il y a forcément un peu de pression mais pour l'instant la chaussure est bien accueillie et on a déjà des retours et des idées de trajectoires d'améliorations. Mat Détrie a beaucoup travaillé avec nous sur la chaussure, Octave Garbolino aussi. Sur ce produit, chez Simond, il y a trois personnes qui ont travaillé : le designer, l'ingénieur et le chef de produit, autour de ça on a les partenaires techniques et les suppliers qui gèrent la partie pricing et quantité."

"Mat Détrie", ou Mathieu Détrie de son vrai nom, est un guide de haute montagne réputé pour ses ascensions audacieuses en Himalaya et en Alaska. Dans quelques jours, nos chemins se croiseront au pied d'une cascade de glace. Ce n'est qu'en apercevant sa photo dans un article d'Alpine Mag, durant mon trajet de retour, que je réaliserai qu'il s’agissait en fait de lui.


Matthieu Détrie
Crédit : Jocelyn Chavy

Face à la concentration relativement restreinte de pratiquants de l'escalade sur glace comparée aux autres disciplines sportives couvertes par Simond, une filiale du groupe Decathlon, je me permets de questionner leur stratégie économique. Il me semble surprenant qu'une marque d'une telle envergure investisse autant dans une discipline aux adeptes moins nombreux. J'imagine que c'est un investissement à long terme, anticipant une croissance future du nombre de pratiquants.


"Ça n'est absolument pas un choix économique. Ça prend du temps, ça coûte cher à fabriquer, on met beaucoup d'énergie donc la rentabilité n'est pas dingue. À notre échelle, c'est clairement pas ce qui nous fait vivre. Mais c'est un choix d'image et de cœur. C'est vrai que c'est une pratique qui a un certain essor et qui sera potentiellement un jour aux JO. Mais c'est surtout une volonté forte de Simond de rester sur ce territoire. C'est ancré dans notre ADN d'avoir ce piolet cascade qui est un objet iconique, c'est hyper important. D'autant plus que Simond c'est la caution technique de Decathlon, donc c'est essentiel que l'on puisse proposer ce type de produit."

Au fil de notre conversation, je parviens à en apprendre davantage sur Matthieu, mon interlocuteur qui, jusqu'alors, a surtout parlé des autres et de la marque. Chef de produit chez Simond, Matthieu est l'incarnation de l'esprit Decathlon. Fort de dix années d'expérience en magasin, exclusivement dans les rayons escalade et alpinisme, sa passion pour ce sport transparaît dans chacune de ses explications. Son parcours, qu'il décrit comme représentatif de "la force de Decathlon", est un témoignage frappant de l'engagement de l'entreprise envers ses employés et leur développement professionnel :


"C'est une entreprise qui croit aux hommes et aux femmes qu'elle recrute. Après mon expérience en magasin, je suis passé aux marques, et suis devenu chef de produits il y a quelques années."

La conversation prend fin, une femme sur le stand qui a entendu mon prénom me rappelle alors que je m’éloigne :


"Pierre-Gaël ? Viens là, faut que tu essayes les chaussures, c'est nous qui t'équipons pour les trois prochains jours."

Matthieu reprend la parole avec un air de connaisseur et se penche sur les subtilités techniques de la chaussure d'alpinisme. Il pointe du doigt la semelle amovible de 0,2 mm, un petit détail qui semble avoir toute son importance. Il suggère alors de me faire essayer une pointure différente de celle que j'aurais normalement choisie. Dans ma tête, je me dis : « Espérons que ce ne soit pas un remake de ma première visite chez le Vieux Campeur, où j'avais l'impression que c'était à mes pieds de se plier aux exigences des chaussons, et non l'inverse ! ». Après avoir enfilé les chaussures et effectué quelques tests en tapant du pied sur le sol, je suis agréablement surpris : elles me vont comme un gant et c’est même très confortable. 


François Kern
Crédit : CNPC SPORT

Je poursuis ma quête du matériel dont j’ai besoin en déambulant entre les stands. Prochaine étape : Petzl, pour récupérer un casque qui, je l'espère, ne me fera pas ressembler à un cosmonaute. C'est là que je rencontre François Kern, le grand manitou de la Communication et du Marketing Opérationnel pour Petzl en France. L'occasion est trop belle pour ne pas le bombarder de questions sur les orientations futures de la marque.


"En fait, il y en a plein. Déjà Petzl, ce n'est pas juste l'escalade, c'est aussi la frontale, le marché industriel, donc on a pas mal de directions avec des enjeux très différents et très particuliers, spécifiques à ces marchés-là. Dans l'escalade, on n'a pas les mêmes enjeux que dans la cascade de glace, dans la lampe frontale, on n'a pas les mêmes enjeux que dans la verticalité, etc. Pour simplifier, on découpe nos activités en deux : le loisir et l'industrie."

Et forcément, j'ai envie de le challenger sur sa présence au salon. Petzl est une marque déjà bien implantée et connue.


"L'objectif, c'est surtout d'être identifié sur d'autres produits que ceux dédiés à la glace, d'asseoir une notoriété et de conforter une position. Sur un événement comme l'ICE, quelqu'un qui ne connaît pas Petzl, c'est qu'il découvre l'activité. On doit vendre 80% des piolets pour la cascade de glace, on a d'autres produits, comme par exemple la frontale, où les enjeux sont très différents. Si tu vas courir en ville à Paris, si on a 5% des coureurs qui ont une lampe Petzl sur la tête, c'est le bout du monde. Et puis, c'est aussi l'occasion de vivre avec notre milieu, une énorme majorité des athlètes et des guides professionnels utilisent du Petzl en alpinisme et en glace, donc c'est important de leur montrer que l'on est là, d'interagir avec eux, prendre leurs avis, suivre leurs projets, etc. Être sur l'ICE, c'est vivre avec tout cet écosystème."

Sur le marché de l'escalade qui grossit et se diversifie très rapidement, les enjeux sont un peu différents pour Petzl :


"On est très connu par les aficionados et les vieux grimpeurs. En gros, les 35-65 ans, ils connaissent tous Petzl, ils ont tous un harnais Petzl, un Grigri, etc. Mais tu vas à Arkose Nation, Petzl n'existe pas. On ne fait pas de t-shirt, on ne fait pas de chaussons, notre magnésie n'est pas super connue et donc même si, quand on fait des questionnaires dans ce type de salles, on est l'une des marques les plus connues, ce sont des gens qui ne connaissent pas forcément nos produits. Et on a aussi besoin de toucher ces néo-pratiquants et de mieux les servir."

Mon échange avec lui me révèle aussi un aspect intéressant : le Grigri, ce petit bijou d'ingéniosité, est en réalité l'un des piliers de Petzl. François m'explique que ce produit phare est devenu incontournable dans le monde de l'escalade, mais qu'il fait face à une concurrence croissante. La popularité du Grigri ou du Reverso a en effet inspiré plus d'un fabricant d'équipements d'escalade.


Ce qui m'intrigue particulièrement, c'est d'apprendre que dans certains pays, comme l'Allemagne, l'Éducation Nationale a choisi d'intégrer des produits Petzl dans ses programmes. Ce n'est pas tous les jours qu'on entend parler d'une marque d'équipement sportif prescrite par un gouvernement ! Cette reconnaissance officielle, loin d'être anodine, témoigne de la réputation et de la fiabilité de la marque.


François souligne que Petzl prend cette position très au sérieux. La marque n'est pas simplement là pour vendre des produits, mais aussi pour contribuer à l'éducation et à la sécurité dans le sport.


"On travaille beaucoup sur le volet pédagogie, en produisant de nombreuses notices techniques très fournies avec du dessin, de la photo, de la vidéo et du texte. Ce qui est d'ailleurs un enjeu aussi pour les salles d'escalade. Elles sont de plus en plus nombreuses à se faire contrôler sur la manière dont elles assurent la sécurité et gèrent la pédagogie dans leurs salles. L'inspecteur peut leur imposer de mettre plus de signalétique ou de contenu pédagogique sur la sécurité. Et ça, ce sont des contenus que l'on produit et que l'on peut mettre à disposition des salles. Plutôt que mettre notre logo, on préfère raconter une histoire et amener un vrai service à l'utilisateur."

Après avoir rassemblé mon équipement, je passe devant le stand de Millet et on m’y propose un sac à dos spécialement conçu pour l'escalade sur glace. Ce sac me permet d'attacher facilement ma paire de piolets. Même si ma doudoune n'est pas aussi flashy que celles des autres participants, je me dis que maintenant je devrais pouvoir me fondre plus facilement dans la masse. 


Arthur Grimper
Crédit : Vertige Media

Le moment est venu de m'orienter vers le barnum installé à l'extérieur pour le dîner. À l’entrée une grande marmite fumante remplie d'un délicieux plat végétarien, je trouve une place à côté d'Arthur. Journaliste bien connu dans le monde de l'escalade, il arbore fièrement son bonnet rose. Nos discussions précédentes ayant toujours été brèves, je profite de l'occasion pour échanger davantage avec lui. Nous découvrons que nous partageons la même maison d'hôtes et que nous grimperons ensemble le lendemain.


Face à nous, un jeune couple lyonnais, venus s'initier à l'escalade sur glace. Ayant entendu parler de l'événement par le bouche-à-oreille, ils sont visiblement aussi impatients que moi à l'idée de s'aventurer sur les parois glacées de la région.


Il est déjà temps de se diriger vers la conférence sur la gestion de la sécurité. Différents experts nous expliquent comment est calculé la notion de risque en montagne et des professionnels décortiquent leurs accidents en nous expliquant ce qu'ils auraient dû faire pour les éviter.


Mais l'heure avance et la journée a été longue nous rentrons tous nous coucher, car demain, il nous faudra nous lever tôt pour profiter des meilleures conditions de glace, qui se seront formées pendant la nuit.


L'article de la seconde journée est accessible en cliquant juste ici.

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