Brooke Raboutou retire l’épée du rocher : première femme à briser le mythe du 9b+
- Adrien Bataille
- 9 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Certains mythes attendent patiemment d’être pulvérisés, d’autres demandent qu’on leur règle brutalement leur compte. Brooke Raboutou, elle, vient simplement d’exécuter les deux opérations en même temps. Le 8 avril 2025, l’Américaine de 23 ans s’est attaquée au monument Excalibur, voie mythique cotée 9b+, près d’Arco, dans les Dolomites italiennes. Elle en sort victorieuse, devenant ainsi la toute première grimpeuse à franchir cette frontière symbolique – presque sacrée – du très haut niveau féminin. Autrement dit : le plafond de verre vient d’exploser en mille éclats calcaires, et c’est Brooke Raboutou qui tient le marteau.

Excalibur, cette histoire impossible
« Excalibur », tout était écrit dans le nom. Stefano Ghisolfi, qui avait équipé la ligne en 2023, ne s’y était pas trompé : ici, c’est une légende en gestation, un mythe en devenir, pas juste un bout de caillou pour touristes de la résine en mal d’aventures verticales. Excalibur, c’est court, mais violent ; précis, mais brutal. Les Adam Ondra, Jakob Schubert ou Will Bosi ont bien tenté d’apprivoiser la bête, mais jusqu’à présent, ils n’avaient réussi qu’à l’agacer. Cette ligne, techniquement redoutable, leur résistait comme un cauchemar persistant.
Brooke, elle, en a fait une affaire personnelle. À tel point que sa relation avec cette voie semble tout droit sortie d’une séance de psychanalyse grandeur nature. Sur Instagram, dans un monologue introspectif aussi intense que ses méthodes de talon impeccables, elle explique :
« Dès le début, j’ai été attirée par toi – quelque chose dans ton intensité implacable. Notre relation a fluctué au fil du temps. Certains jours ressemblaient à une harmonie sans effort ; d’autres, nous nous sommes affrontés, nos voix s’élevant. Tu m’as appris à argumenter avec le doute jusqu’à ce qu’il commence à douter de lui-même. »
Traduction pour les non-initiés : elle en a bavé, s’est fait mal, a douté, mais elle a gagné.
Dynastie verticale et destin implacable
Mais la grimpeuse américaine ne vient pas de nulle part. Brooke appartient à une sorte de dynastie verticale : fille de Robyn Erbesfield-Raboutou, légende vivante du circuit des années 90, et de Didier Raboutou, grimpeur de haut vol, Brooke a grandi entre prises de résine et morceaux de falaise. La génétique était bonne, mais encore fallait-il tracer sa propre voie. Médaillée d’argent aux JO de Paris 2024, habituée des podiums en compétition comme des blocs monstrueux dans la nature, Brooke avait le pédigrée idéal pour relever ce défi inédit.
En passant au 9b+, elle ne fait pas qu’écrire une nouvelle page : elle en change complètement l’encre, le papier et la couverture.
Brooke a-t-elle tué la cotation féminine ?
Parce que jusqu’à hier, le « plafond de verre » du 9b semblait figé dans l’histoire de l’escalade féminine. Angela Eiter, Julia Chanourdie, Laura Rogora ou Anak Verhoeven avaient déjà taquiné la limite sans jamais pouvoir franchir le seuil supérieur. En claquant la porte du 9b+ d’un coup de pied assuré, Brooke force désormais à repenser entièrement les standards du sport.
Ce n’est plus une histoire de genre ou de barrière symbolique. Non, c’est une histoire de talent, de détermination, de brutalité mentale et d’élégance physique. Une histoire où, désormais, Brooke impose le tempo.
L’insolence tranquille des surdoués
En décrochant cette première féminine dans le 9b+, Brooke Raboutou secoue sans complexe les conventions, comme ces élèves surdoués au fond de la classe qui résolvent une équation compliquée en deux coups de craie, un sourire espiègle au coin des lèvres. Mais son style n’est ni bravade gratuite ni provocation adolescente : c’est juste le naturel insolent des gens talentueux qui ne s’excusent pas de réussir. Avec Excalibur, Brooke oblige chacun à reconsidérer les limites qu’on avait prises pour acquises. C’est tout l’intérêt des grands exploits : derrière l’effort, ils révèlent toujours une part d’irrévérence salutaire.