Les blessures en escalade : briser les idées reçues avec Andy McVitty
Andy McVitty, c’est un mélange d’encyclopédie médicale ambulante et de vieux renard de la grimpe. Avec ses 30 ans de pratique sur les parois (et probablement autant de nuits blanches à déchiffrer des radios de doigts explosés), cet ancien coach devenu kinésithérapeute spécialisé en escalade est le genre de gars qu’on appelle quand ça grince, que ça craque ou que ça lâche. Dans le podcast "That’s Not Real Climbing", il revient sur les blessures qui gangrènent notre sport préféré, les idées reçues qui nous plombent et les transformations – parfois brutales – du monde vertical. Attention, ça secoue.
La dure loi du répétitif
94 %. Ce n’est pas le score d’un bloc au top des répétitions à Fontainebleau, mais le pourcentage des blessures en escalade qui sont chroniques. Comprenez : des blessures à petit feu, nées de cette douce torture qu’on inflige à nos tendons et articulations au fil des séances. « Les blessures, ce ne sont pas des accidents, ce sont des habitudes », martèle McVitty. Un pied mal posé ici, une épaule mal renforcée là, et boum, six mois à bouder les salles et les falaises.
Son diagnostic ? Les grimpeurs ignorent les signaux faibles. Une douleur qui traîne ? « Bah, ça passera. » Mauvaise idée. Andy prône un rituel hebdomadaire : un check-up perso de la tête aux orteils.
« Si ça tire depuis trois semaines et que tu fais semblant de rien, dis-toi que ton corps va te le faire payer tôt ou tard. »
Spoiler : c’est souvent plus tôt que tard.
Les doigts, ces faux coupables
La force des doigts, c’est le Graal. Mais Andy, lui, balance un pavé dans la mare de magnésie : « Les doigts, c’est rarement eux le problème. Ils sont plus forts qu’on ne l’imagine. Ce qui lâche, c’est tout le reste. » Épaules, hanches, équilibre général… Quand on tombe, on blâme nos mains. Mais peut-être que la vraie question, c’est : qu’est-ce qu’on faisait là-haut dans cette position improbable ? « Les grimpeurs confondent souvent force et technique », explique-t-il. « C’est ton transfert foireux, pas tes doigts, qui t’a fait plonger au sol. »
Compétition : quand l’ouverture divise (et déboîte)
Les blessures des grimpeurs ne sont pas seulement une question de morphologie. Selon Andy, elles racontent aussi un sport où les ouvreurs dictent la loi. Les nouvelles générations de blocs privilégient des mouvements spectaculaires et explosifs, aux rotations improbables et aux impacts dévastateurs. Et dans ce jeu, les épaules en prennent pour leur grade, surtout chez les femmes. Une étude récente révèle que 35 % des grimpeuses souffrent de blessures à l’épaule, contre 21 % des hommes.
Pourquoi ? « Les ouvreurs sont souvent des hommes et créent pour des corps d’hommes », analyse Andy. Sans méchanceté, mais avec lucidité. Résultat : des femmes obligées de compenser avec des mouvements plus risqués ou des prises plus difficiles à atteindre.
« L’escalade moderne teste tes limites, mais parfois elle les dépasse aussi. »
L’âge ? Juste une excuse de plus
Passé 30 ans, le grimpeur moyen se met à parler comme un retraité : « Je suis trop vieux pour progresser. » Andy, lui, rigole. Pour lui, ce déclin supposé n’a rien à voir avec la physiologie.
« À 30 ans, t’es à peine sorti de l’adolescence en escalade. »
C’est juste qu’à cet âge-là, on a moins de temps, plus de boulot, peut-être une famille à gérer. Bref, on grimpe moins, tout simplement.
Son conseil ? « Sois régulier. Grimpe souvent, mais pas forcément longtemps. La progression, c’est un marathon, pas un sprint. » Et surtout, écoute-toi. « Rien ne ralentit plus un grimpeur qu’une blessure. Alors quitte une session en forme, pas en miettes. »
Andy McVitty : le pragmatique de la falaise
De policier à coach, d’instructeur en plein air à kiné spécialisé, Andy McVitty a suivi une trajectoire aussi éclectique qu’un toit en dévers. Aujourd’hui, il jongle entre consultations et escalade, tout en déconstruisant les mythes qui collent au sport. Non, l’âge n’est pas une limite. Non, les doigts ne sont pas tout. Et non, on ne progresse pas en s’entraînant comme un bourrin.
Son approche, c’est celle d’un vétéran de la grimpe qui sait que la route est longue, mais que chaque pas (ou chaque prise) compte. Son mantra : « Fais-en un peu moins, mais fais-le mieux. »
Ce qu’on retient ?
Andy McVitty n’est pas là pour te dire ce que tu veux entendre, mais ce que tu as besoin de savoir. Que ton corps est une machine incroyable, capable de presque tout, à condition de lui laisser le temps. Que progresser en escalade, c’est aussi comprendre ses limites. Et que parfois, lever un peu le pied, c’est la meilleure façon de continuer à grimper… haut, et longtemps.
🎙️ Pour en savoir plus, écoutez l’épisode complet de That’s Not Real Climbing Podcast. Promis, vos doigts vous diront merci.