top of page
Photo du rédacteurAdrien Bataille

Babsi Zangerl : la fulgurance d’un flash sur El Capitan

Yosemite, novembre 2024 – Quand l’histoire de l’escalade se réécrit, elle le fait parfois avec une intensité qui laisse sans voix. Barbara "Babsi" Zangerl, alpiniste autrichienne de renom, a gravé son nom au panthéon des exploits verticaux en réalisant le premier flash de Freerider, la mythique voie de 1 000 mètres sur El Capitan. Une ascension qui redéfinit les contours mêmes de ce que l’on croyait atteignable.


Babsi Zangerl El Capitan
© Miya Tsudome pour Highpoint Productions

Une voie, un mythe, un héritage


Freerider, variante "adoucie" de la mythique Salathé Wall, se déploie sur la face ouest d’El Capitan, cette cathédrale de granit qui incarne l’épreuve ultime de l’escalade big wall. Premièrement libérée en 1998 par les frères Huber, elle est entrée dans l’imaginaire collectif en 2017, grâce au free solo d’Alex Honnold. Pourtant, aucun grimpeur, aussi illustre soit-il, n’avait jusque-là réussi à la flasher. Jusqu’à Babsi. « Rien n’est facile sur El Cap, » rappelle-t-elle.

« Même les longueurs qui semblent abordables sur le topo demandent une attention constante et une énergie sans faille. »

Cette confession dit tout de l’ampleur de son accomplissement, et souligne combien cette paroi demeure une épreuve de vérité pour les meilleurs.


Duo au sommet : entre complicité et solitude


Avec Jacopo Larcher, son compagnon de vie et de cordée, Babsi forme un binôme soudé par des années d’expéditions communes. Mais si leur succès résulte d’un travail d’équipe, l’épreuve du flash impose une solitude intérieure. « Jacopo a été fondamental, confie-t-elle. Sans lui, rien n’aurait été possible. »


Jacopo, pourtant si proche de son propre flash, a chuté sur le crux de la Boulder Pitch, cette séquence exigeante qui a brisé tant de rêves. « Il n’a pas vu une prise-clé sous le toit. Il est tombé, a retenté immédiatement et enchaîné, mais pour le flash, c’était fini, » explique Babsi. Une chute qui n’a en rien entamé son soutien. « Il m’a donné toutes les informations nécessaires pour que je réussisse. Son abnégation est une leçon. »


Babsi Zangerl El Capitan
© Miya Tsudome pour Highpoint Productions

Préparer l’imprévisible


Freerider n’était pas un projet murement prémédité, mais une opportunité née de leurs pérégrinations sur les parois du Yosemite. Après avoir libéré The Nose en 2019, le duo s’est confronté à la légendaire Monster Offwidth, cette fissure béante qui terrorise autant qu’elle fascine. « On avait entendu tellement d’histoires d’horreur qu’on l’avait évitée pendant des années, » avoue Babsi. Pourtant, le défi s’est imposé à eux comme une évidence.


« Quand on a grimpé Magic Line, on a compris qu’on devait s’entraîner spécifiquement pour cette longueur. Alors, on a passé quatre jours à affronter des fissures comme Generator Crack et Twilight Zone. C’était infernal, mais nécessaire. »

Malgré cette préparation, la Monster Offwidth a failli lui coûter son flash. « Après 40 mètres, j’étais à bout de souffle. Mon corps était en crampes. Et puis, je me suis rappelée un conseil d’Alex Honnold : si ça devient insupportable, incline-toi pour bloquer ta jambe et reprendre ton souffle. Cette astuce m’a sauvée. »


Une ascension, mille batailles


L’épreuve d’El Capitan dépasse largement une simple longueur clé ou un défi isolé. Les quatre jours passés dans la voie, ponctués de bivouacs précaires, ont mis à rude épreuve leur endurance physique et mentale. «Même après la Boulder Pitch, je n’ai pas soufflé. L’Enduro Corner m’attendait encore, et chaque longueur demandait un engagement total.»


Le style big wall impose aussi une logistique implacable : des relais suspendus, des kilomètres de corde à dérouler, et une gestion millimétrée du temps et des ressources. Mais c’est bien la tête qui commande. « Je crois que c’est le plus grand défi mental de ma carrière, » admet Babsi. « On doit se battre à chaque instant pour ne pas céder au doute. »


Babsi Zangerl El Capitan
© Miya Tsudome pour Highpoint Productions

Entre triomphe et mélancolie


Quand enfin le sommet s’est dévoilé, l’émotion fut double. « C’était irréel. J’étais heureuse pour moi, mais triste pour Jacopo. On n’a qu’une chance pour un flash, et cette unicité peut être cruelle sur une paroi de 1 000 mètres. » Cette lucidité confère à sa victoire une profondeur rare : une célébration humble d’un moment unique, et une gratitude immense envers celui qui l’a accompagnée jusqu’au bout.


Avec cet exploit, Babsi Zangerl inscrit son nom aux côtés des légendes. Pas simplement pour l’acte technique, mais pour ce qu’il symbolise : un mélange de détermination, de résilience et de vision. « Je n’ai jamais pensé que c’était possible. Pourtant, nous avons osé essayer. »

DEUX FOIS PAR MOIS,
LE MEILLEUR DE LA GRIMPE

deco logo

Merci pour ton inscription !

PLUS DE GRIMPE

bottom of page