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  • Photo du rédacteurPierre-Gaël Pasquiou

Addiction à l'escalade et sevrage, les révélations d'un travail de recherche

Le terme "accro à l'adrénaline" est couramment utilisé pour décrire les athlètes de sports extrêmes, et il est souvent avancé que leur engouement pourrait être assimilé à une forme de dépendance. Mais peut-on réellement être dépendant de l'escalade, à l'instar des addictions à l'alcool, la drogue, les médicaments, le sexe, ou encore le jeu ? C'est une question qui a retenu l'attention de la communauté scientifique.


Addiction escalade

Un travail de recherche dirigé par le Dr. Rob Heirene* et son équipe, provenant de diverses institutions académiques, a révélé des similarités notables entre les états de sevrage éprouvés par les grimpeurs et ceux rencontrés par les individus aux prises avec des addictions aux substances ou comportementales. Une étude qui approfondit la compréhension des dynamiques psychologiques et comportementales activées durant les périodes d'abstinence d'escalade et qui offre de nouvelles perspectives pour le traitement des addictions en général.


Méthodologie de l'étude


Cette étude approfondie a mobilisé une méthodologie qualitative à travers la réalisation d'entretiens semi-structurés avec un échantillon ciblé de huit grimpeurs masculins. Ces participants ont été soigneusement sélectionnés et classés en fonction de leur niveau en escalade, allant de grimpeurs à un niveau moyen à ceux d'un plus haut niveau, que ce soit sur des pratiques de bloc ou de voie, en intérieur ou en extérieur, dans l'optique d'observer des différences et/ou des similitudes.


Recherche addiction escalade
© Dr. Rob Heirene

Les entretiens ont été spécifiquement programmés durant des périodes où les grimpeurs étaient en abstinence de leur activité, ne pratiquant pas l'escalade, pour examiner de manière précise les manifestations psychologiques et comportementales du sevrage.


Les discussions ont été orientées pour explorer trois dimensions essentielles et révélatrices du sevrage, qui sont au cœur des processus addictifs, tant pour les addictions comportementales que pour les substances :


  • Le premier aspect, le "craving", décrit un désir intense et souvent irrépressible pour la pratique de l'escalade, reflétant la force de l'impulsion vers l'engagement dans le sport malgré les conséquences négatives potentielles ou l'absence de gratification immédiate.

  • Le second, l'anhédonie, traduit une diminution significative ou une perte de la capacité à trouver du plaisir dans des activités qui étaient auparavant sources de joie ou de satisfaction, mettant en évidence comment l'escalade peut dominer les sources de plaisir d'un individu.

  • Enfin, l'effet négatif se rapporte à l'expérience de sentiments ou d'humeurs négatives résultant de la non-pratique de l'escalade, comme la tristesse, l'irritabilité ou l'anxiété, soulignant les conséquences émotionnelles du sevrage.


Recherche addiction escalade
© Dr. Rob Heirene

Les principaux résultats


Les résultats de l'étude révèlent une uniformité frappante dans les expériences de sevrage à travers les grimpeurs quelque soit leur niveau, mettant en évidence des symptômes de sevrage analogues à ceux observés dans les addictions aux substances et comportementales.


Cette uniformité est particulièrement notable dans le désir intense, ou "craving", pour l'escalade et dans la manifestation d'effets négatifs tels que la frustration, l'irritabilité ou l'anxiété en l'absence de pratique. À souligner que les grimpeurs les plus expérimentés rapportent ces sensations avec une fréquence et une intensité supérieures, soulignant une corrélation entre le degré d'engagement dans l'escalade et l'ampleur des symptômes de sevrage.


En revanche, l'étude n'a pas mis en évidence de différences significatives dans la manifestation de l'anhédonie entre les différents niveaux de compétence, suggérant que ce symptôme de sevrage peut se présenter indépendamment du degré d'expertise ou de l'engagement dans l'activité. Cette découverte indique que la réduction de la capacité à ressentir du plaisir dans d'autres activités peut être une caractéristique commune à tous les grimpeurs, qu'ils soient novices ou expérimentés.


Recherche addiction escalade
© Dr. Rob Heirene

Pourquoi est-ce que c'est intéressant ?


Le premier point c'est évidemment la mise en lumière d'une dépendance potentielle, qui peut affecter les pratiquants et en particulier les sportifs de haut niveau. Mais les implications des résultats de ce travail de recherche vont au-delà puisqu'elles suggèrent que la passion pour les sports extrêmes, loin d'être une simple quête d'adrénaline, pourrait servir de mécanisme de substitution efficace pour les individus en quête d'alternatives pour naviguer à travers ou se détacher de cycles addictifs destructeurs


Par ailleurs, ces découvertes ouvrent la porte à d'autres investigations, encourageant à explorer plus largement les expériences de sevrage dans une diversité de disciplines sportives extrêmes et à adopter des approches méthodologiques quantitatives pour une évaluation plus rigoureuse. Une telle orientation pourrait révéler des modèles précis et mesurables du sevrage, enrichissant ainsi notre compréhension globale des dynamiques addictives.


Si pour l'instant ce travail de recherche est réalisé sur un échantillon beaucoup trop faible pour que ses enseignements suffisent à assoir une quelconque vérité scientifique, on peut tout de même se réjouir que notre pratique puisse intéresser de plus en plus en de travaux de recherches.


Notons également que "Beyond Rock Bottom", un documentaire hongrois dont la sortie est programmée pour septembre 2024, explore précisément cette thématique de comment l'escalade peut se transformer en un outil thérapeutique dans le processus de guérison de la dépendance aux drogues.



Pour consulter la publication complète relative à ce travail, elle est disponible en libre accès sur La United States National Library of Medicine.


*Actuellement, le Dr. Rob Heirene est un chercheur spécialisé dans les problématiques de jeu d'argent au Brain & Mind Centre de l'Université de Sydney, en Australie, où il applique sa passion pour la science de l'addiction, avec un intérêt particulier pour la science des données et la visualisation.

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